Mort un 2 avril, toujours en avance sur son temps, Pompidou a été un architecte des Trente Glorieuses. Entre Musées Nationaux de France et Art Moderne du monde, entre sens de l’Etat et esprit d’entreprise, il a tracé une « voie Georges Pompidou » pour un avenir durable
Citer Pompidou, ça fait ringard, c’est comme voter Balladur. C’est une icône des Trente Glorieuses un peu paradoxal : un Président « à la Papa » au pays d’un Etat déjà plus Mamma (…mia ?) que Gina ou Sophia mais toujours sensible aux odeurs de sable chaud ; un relatif « euro-neutre » au temps de l’European Dream et de la splendeur de l’atomium à Bruxelles ; un homme de politique industrielle « à la Concorde » (« à l’atome » aussi) alors que la politique et l’industrie française étaient déjà sur une voie à l’issue incertaine
Il était de cette génération de vaillants qui ont cru gagner la guerre mais n’ont su/voulu voir la réalité et notamment que l’Allemagne, même défaite, détruite et coupée en deux, prenait après sa (grosse) crise d’amok un chemin moins prestigieux mais plus prometteur que celui de la France « résistante et victorieuse ». Une longue marche en Birkenstock, pas très glamour, moins Carla qu’Angela, « un peu sommaire, mais efficace »
De cette génération qui a cru acheter la paix sociale mais n’a pas su vendre la participation. Qui a dû aller à Grenelle comme d’autres à Munich ou à Canossa, sachant que le dialogue social, nos opéras « populaires » et autres grands prodiges seraient enviés par le monde entier mais que le Minitel ne donnerait guère accès au compte Twitter de Pôle Emploi. La mondialisation, quel code Minitel ?
Mais il y avait quelque chose d’épatant dans la capacité de ce vrai-faux dilettante à oser penser différemment, plus large, à lever le nez du guidon, plus haut pour mieux voir et entendre le monde, à savoir agir et avancer avec détermination en faisant vraiment bouger les lignes pour essayer de ramener la France vers les chemins de l’avenir, plus vite, mieux aussi
Sur l’Europe, il devait bien avoir un avis ou une ligne de conduite mais on ne se souvient ni d’initiative spectaculaire, ni de formules auto-assassines genre « Le machin », tout au plus qu’il était un peu hostile aux concepts genre « Nouvelle Société » ou aux abattages d’arbres en France rurale. Il devait être très pragmatique, il aurait probablement eu une certaine idée du pacte de compétitivi-thé. Mais la nostalgie n’est plus ce qu’elle était … la France a des bleus à l’âme (à larmes ?), mieux vaut un sourire un peu contraint que bonjour tristesse (Sagan, une autre belle élégance à la française) si on ne veut pas finir au musée
Pompidou était amateur d’art moderne. Il devait tousser de temps à autres devant des « n’importe quoi » un peu off-limits mais il appréciait l’audace. En avant ! Dans un bon sens, quel qu’il soit du moment que ça (re)marche, sur la tête s’il le faut …
Georges Pompidou est mort un 2 avril. L’élégant vrai-vaux dilettante aimait trop être en avance sur son temps.
Dommage, avec lui, on ne couperait pas le sexe des anges laïcs en 4 et on laisserait probablement Lucky Luke fumer dans le soleil couchant. Et Monsieur Hulot avancer sur son vélo (ça, c’est une autre histoire … de France contemporaine, et c’est peut-etre pas perdu d’avance, à suivre …)
Un livre pour le week-end : C’était Georges Pompidou d’Alain Frerejean, chez Fayard
Renaud Favier – 29 Mars 2011 – http://www.renaudfavier.com
Le bonus : Euromaxx sur le centre de Metz, Pompidou aurait sûrement aimé le concept, la bâtiment, les oeuvres … et l’émission
C’est fini pour aujourd’hui (il est temps de jeter un oeil à cet excellente publication du Centre Pompidou)
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