Un des bouquins les moins inutiles de la rentrée littéraire est « Sarko m’a tuer » mais il fait penser à ce proverbe attribué à un coin du Liban toujours plus ou moins en guerre ou en vendetta : « Si tu ne tues pas assez, tu tues pour rien« . Surtout si tu tires sur des morts-vivants.
Parce qu’à partir du moment où un ancien -et éphémère- ministre de l’économie (en pleine forme, rajeuni) peut dire publiquement à la TV sans même se faire contredire que nonobstant les questions préalables et autres présomptions de non-lieu, les arguties byzantines ou les dépassements de date de péremption pour la justice, de toute façon ce serait un acharnement choquant contre un vieil homme que de lui chercher des poux dans la tête malade pour une petite affaire anodine, limite fictive, et même une rupture d’égalité entre affaires puisque d’autres plus remarquables et portant sur des montants beaucoup plus considérables sont enterrées vivantes (le fait que tout le monde savait dans le microcosme et que tout le monde était plus ou moins bénéficiaire du système n’a pas été rappelé depuis un moment, ça doit être un argument réservé pour la défense quand les délais seront dépassés), on est plus dans « Billy the Kid » que dans « Kill Bill » et les cadavres resteront dans leurs placards dorés même si on finit par faire venir l’accusé « qui veut être jugé » en brancard comme le vieux pharaon d’Egypte.
Parce qu’à partir du moment où les candidats, « investis » ou non, et surtout les gagnants, pour chaque élection ou nomination pour un truc à indemnités financées sur dette publique genre le Conseil Constitutionnel (c’est envisageable qu’il ne se soit pas trompé, le reporter radio qui a évoqué 11000 euros mensuels d’indemnités pour ces fonctions à peu près systématiquement occupées par de hauts personnages déjà multi-retraités sur régimes spéciaux qui partagent à temps très partiel leur sagesse acquise après des études et une carrière sur fonds publics ?), le Château de Versailles ou autre spécialité fromagère nationale (pas exportée ?) ont au moins l’âge de la retraite des « vrais gens », ni le chômisme de masse des djeuns, ni une propension à des pensées et pratiques politiques d’outre-siècle, sinon des mémoires d’outre-tombe, ne sont très surprenantes au pays des politiciens professionnels « forever young« .
Alors évidemment, certains font assez bien illusion avec des frasques sexuelles de jeune marié en voyage de noce aux Amériques, d’autres font tellement tout le temps référence à Grenelle qu’on les croirait toujours verts même s’ils le sont moins à tous égards que le gazon du stade de Valenciennes, d’autres enfin jouent les potaches aux universités d’été tandis que l’auto-bronzant télévisuel popularisé par Séguéla au siècle dernier permet de faire illusion aux plus cacochymes et anecdotiques des candidatures de témoignage qui permettent de passer à la TV et de vendre des bouquins écrits par les djeuns stagiaires d’été aux bibliothécaires militants (en général ça fait entre 200 et 400 ex.), aux sympathisants (selon le nombre de passages publicitaires dans les émissions de débats d’auto-satisfaction, ça peut aller chercher 300 à 500 exemplaires) et aux usines de recyclage de papier (en général la majeure partie du tirage financé hors comptes de campagne mais pas trop souvent sur fonds propres de l’auteur officiel). Il fut un temps où l’on disait que les cliniques du bord du Lac de Genève vendant des cellules fraiches de mouton ou autres perlimpimpin de l’éternelle jeunesse avaient une belle clientèle française mais soit ça marche moins bien que le disent les publicités dans les magazines à couverture en papier glacé distribués dans les club-house de golf et les salles d’attentes des conseillers fiscaux ou publipostés sous enveloppe anonymes dans les palais républicains, soit à force de ne discuter qu’avec les conseillers financiers des exilés fiscaux du siècle dernier, avec les sportifs patriotes cherchant la tranquilité et l’anonymat helvétique ou avec les derniers survivants de Vichy sur Léman, les neurones se spécialisent quand même pas mal sous le botox et le « think out of the box » et remplacé par le « don’t disturb Pandora » chez celles et ceux qui sont aux manettes du Titanic depuis que l’assurance-maladie rembourse en AAA les coupe-faims pour gens trop gavés souffrant d’ostéoporose précoce.
La bonne idée qui ferait d’une pierre deux coups en aidant Haïti à se refaire une santé et en remboursant une peu la dette historique de la France envers son ancienne plantation de sucre, ce pourrait être d’envoyer un bon lot de morts-vivants à régime spécial au pays du vaudou plutôt que de les cloîtrer inutilement dans des palais républicains qui sentent le renfermé et où ils s’agitent, souvent la nuit parce que les vieilles personnes ont un mauvais sommeil en général, sans espoir comme ces soldats enterrés vivants pendant les guerres parce qu’on ne pouvait pas prendre le temps de trop vérifier si leur coeur battait encore un peu et dont on retrouve les cercueils en mauvais bois lacérés et les membres auto-cannibalisés quand on procède aux compressions ou autres délocalisations en fin de concession (ou aux évacuations quand les promoteurs parviennent à faire déclasser les terrains des cimetières plein de gens irremplaçables). Comme la « Règle d’or » a été enterrée, ça laisse du temps pour discuter d’un projet de loi qu’on pourrait appeler « Island in the Sun« .
Comme les budgets sont un peu contraints (même si finalement, avec ou sans l’aide des juges de Karlsruhe qui n’ont pas appuyé sur le bouton atomique et ont jugé « légales » les aides allemandes contre la crise de la zone Euro, on risque peut-être d’envisager de moins re-prêter à la Grèce qui du coup rembourserait moins les banques mais avec l’argent on pourrait recapitaliser directement nos banques pour qu’elles puissent digérer les annulations de dette grecque sans que trop de spéculateurs et autres intermédiaires financiers ne prennent leur commission, alors ce serait tout bénéf’ pour nos comptes publics et neutre pour les actionnaires des banques et pour leurs salariés déjà tellement meurtris par la baisse du cours des actions qu’ils avaient achetées à cours préférentiel avec leurs bonus ou des stock-options que les plus méritants cols blancs avaient gagné à la sueur d’autres fronts), on pourrait organiser des charters en bateau, ça ferait un clin d’oeil potache aux navires négriers qui ont fait des fortunes pas trop rendues aux pays en développement jusqu’ici et ce serait politiquement moins indignant que les avions qui ont toujours un petit côté bling-bling depuis qu’Air Inter et Aéroflot ne portent plus bien haut l’étendard de l’aviation sociale de marché.
En attendant, espérons que les « vrais » zombies n’existent pas plus chez nous qu’il n’y a de politiciens qui écoutent The Cranberries, sinon le non-lieu sur le nuage de Tchernobyl va agiter quelques morts décédés de mort naturelle un peu plus que les jamborees d’été ne réveillent nos morts-vivants.
Renaud Favier – renaudfavier.com – musique ! – 7 septembre 2011
Ps : ceci dit, en principe, en démocratie, on a un moyen assez simple de se débarasser des morts-vivants. Il suffit de lire un peu autre chose que les professions de (mauvaise) foi copiées-collées de l’élection précédente qui n’engagent que les rares zélecteurs qui ouvrent l’enveloppe kraft envoyée quelques jours avant le vote ou les articles de journaux d’opinion recopiés du programme en annexe du guide du parfait candidat godillot du Parti. C’est pas que tous les livres soient d’égale grandeur d’âme mais il y en a quand même qui sont plus égaux que d’autres et même les pires auto-promotions de professionnels de l’élection sont plus édifiants que les manuels de préparations aux concours administratifs, les mangas sous blister pour pervers amateurs de petites filles en jupe très courtes ou les magazines TV.
C’est fini pour aujourd’hui, il est temps d’écouter Angela Merkel en direct au Bundestag sur Euronews après la décision de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe (Timeo ou Delenda Danaos ?)