La coupe du monde de foot au Brésil, c’est un peu comme la douceur des lampes à huile et la marine à voile pour les supporters d’une certaine idée de l’avenir (et de l’Equipe de France), on est (re)passé à otchoz (en France), maintenant qu’est venue la saison de Paris-Plages.
On s’en foot, que des Allemands et Brésiliens courent au Minas Gerais (avant, il y avait d’excitantes mines de pierres précieuses, mais c’était avant), c’est comme quand les Espagnols et les Portugais se disputaient le Sud du Nouveau Monde, ça ne nous concerne plus vraiment (les nostalgiques de François 1er le vrai, pas celui de 1981, et les passionnés peuvent surfer sur wikipedia, ou ouvrir de vieux bouquins sentant le papier d’avant internet, pour quelques images sépia de la France Antarctique et de la colonie française qu’un certain Villegagnon tenta d’établir dans la baie de Rio de Janeiro pour les Rois de France et contre ceux du Portugal, avec l’aide d’improbables Ecossais, le soutien ambigu de Calvinistes Genevois dubitatifs, et la coopération plus ou moins enthousiaste et spontanée d’indigènes de tribus rivales dont certaines pratiquaient l’anthropophagie et se réjouissaient de la variété confessionnelle et raciale apportée à leurs menus par les évènements).
On s’en foot, que des Hollandais et Argentins envahissent Sao Paulo (avant, c’était le centre du monde du café, mais c’était bien avant le Nescafé et autres « What Else ? ») et Twitter, c’est un peu comme quand presque les mêmes se chamaillaient pour les Malouines, ça ne nous concerne vraiment plus (les passionnés d’histoires de Corsaires du Roy de France et toussa-touça peuvent googler sur Saint-Malo, ou plonger dans une bibliothèque, la météo française ne les en dissuadera pas, mais c’est comme regarder Master and Commander en DVD ou un match de foot France-Allemagne en replay, on aura beau être bourré d’optimopatriotisme, équipé de paquets géants « format foot » de chips goût pizza et dopé à la 1664, voire à la Carlsberg, la Corona, ou la Heineken pour les iconoclastes, ça finit toujours fesses rouges pour les Français, ces histoires).
On s’en über-footera, si la finale à Rio de Janeiro oppose les éternels rivaux d’un Cône Sud, « Extrême Occident » selon la jolie formule d’un diplomate poète, qui aurait pu devenir, sinon le navire amiral, la Terre de Promesse d’une Nouvelle Europe, mais se laissa entrainer dans les titaniquesques suicides assistés par le Nouveau Monde du Nord, des Empires continentaux du Monde d’Avant.
On s’en méga-footera, si l’humour douteux des Dieux du sport et d’autres activités humaines plus ou moins anecdotiques inflige, ou pas, au Christ du Corcovado une très anachronique (voire uchronique diront les consultants polytechniciens en tout qui savent écrire des twits et autres énarques experts en tout sachant lire l’Equipe embauchés par les TV, les radios, les journaux ou les services de communication des partis politiques français pour commenter le foot en particulier et les sports professionnels en général, au plus haut rang desquels la politique franco-française) revanche de la finale de 1974 que les Oranges Mécaniques perdirent contre les Allemands (de l’Ouest).
On s’en footera tout simplement, si l’Ancien Nouveau Monde des Amériques et le Nouvel Ancien Monde d’Europe s’affrontent, parce que le vrai monde d’aujourd’hui et demain est ailleurs (grosso modo depuis le suicide de Zweig) et qu’une confrontation entre l’Europe et l’Amérique du Sud au football, c’est un peu comme la Coupe de l’America en monocoques entre les Etats-Unis et l’Empire Britannique, ou une partie d’échecs sous une lampe à huile quelque part entre Carthage et Constantinople.
Bref, on s’en super-foot de qui gagnera, ou pas, la finale, parce que si on préfèrerait quand même que les Teutons n’embarquent pas en paradis de nous mettre fesses rouges limite tricherie à chaque fois qu’on les joue, on ne détesterait pas que le pacifique Brésil de Pelé gagne, même si ce ne serait pas très hospitalier pour ses invités ; on ne verrait guère d’inconvénient à ce que la tourmentée Argentine de Maradona l’emporte, d’autant que ça ferait plaisir au Pape François qu’on aime bien ; et ça ne serait vraiment pas un scandale que les Pays-Bas étreignent enfin la coupe (honni qui croupe y pense) qu’ils ont embrassée de tellement près en Allemagne (contre l’Allemagne) en 1974, frôlée d’un fin cheveux blond en Argentine (contre l’Argentine) en 1978, entre autres, et qu’ils pourraient enlever au Brésil ou à l’Allemagne (au Brésil) cette fois.
On s’en contre-foot, et de toute façon les Dieux s’en battent les rouleaux à coups de papyrus, de notre misérable avis pour les demi-finales et de nos petites envies pour la finale.
Mais, tout bien considéré (regardez leur drapeau dans les yeux …) …
Allez Hollande ! (Ouais, ça fait mal entre l’arrière des genoux et le bas du dos d’écrire ça).
Hup Europe (mais pas Allemagne, faudrait quand même pas seulement que déc…) !
Que les meilleurs gagnent …
Renaud Favier – 8 juillet 2014
PS : les « Oranges Mécaniques » du « Football Total », incontestablement la plus belle équipe de la compétition (et du siècle, pensent certains admirateurs), n’ont pas su (osé ?) conclure face au pays hôte, l’Allemagne (de l’Ouest) en 1974, après avoir pourtant écarté le Brésil de la finale (du titre, ronchonnent encore les supporters inconditionnels, forcément inconditionnels, férocement inconditionnels, inconditionnellement inconditionnels, du Brésil) http://www.youtube.com/watch?v=eiVwXrty4Dk
PS 2 : en 1978, en Argentine, les Pays-Bas (sans Cruijff, et un poil moins magiques qu’en 1974, mais encore invincibles à la régulière) ne sont pas parvenus à dominer tous les mauvais vents contraires, et n’ont pu empêcher le pays hôte de remporter une finale d’aussi sinistre mémoire que l’ensemble de cette coupe du monde (où la France, parvenue à se qualifier contrairement à 1974, aurait mérité mieux qu’une triste élimination au premier tour par une Italie … efficace, et une Argentine … efficace, no comment, avec une jeune, séduisante et courageuse équipe en bleu) http://www.youtube.com/watch?v=DkBXgXvLqpY
PS 3 : en 2010, les Hollandais étaient moches, brutaux, rustiques, loin du magique football total, trop petits pour le costume de champions du monde que leurs prédécesseurs méritaient, mais … efficaces, et ils sont passés plus près du sommet qu’aucune autre équipe néerlandaise, et les Espagnols auraient aussi bien pu repartir à la casa avec honneur mais sans le titre http://www.youtube.com/watch?v=cE4y7OJ5oo8
* * *