Remarque liminaire : l’hybride n’est pas considérée ici, d’abord parce que c’est déjà long de faire un petit tour du sujet de l’électrique pur, ensuite parce que je considère que l’hybride n’est qu’un moyen de pouvoir circuler dans des villes hostiles au moteur à hydrocarbures sans perdre les « avantages » de la voiture permettant d’acheter de l’autonomie dans n’importe quelle station d’essence, enfin parce que payer plus cher un faux nez vert pour consommer presque autant de pétrole et continuer à financer le train de vie, les turpitudes, et les causes plus ou moins inquiétants de rois, émirs et autres magnats du pétrole, ça n’est pas ma tasse de thé.
In a nutshell, comme on dit chez les consultants vendeurs d’executive summary et les hauts fonctionnaires juniors rédacteurs de notes ministre (une note par jour, pas plus, pas moins), la bagnole électrique est (en train de devenir) une option pour vous et moi (dans l’hypothèse où l’achat, la location, ou l’usage selon telle ou telle modalité plus ou moins avouable et/ou exemplaire d’une voiture récente, voire neuve, est une option).
Point n’est besoin ces jours-ci d’être biobo fortuné militant et/ou subventionné par son employeur et/ou par les contribuables nationaux et parfois régionaux pour se déplacer sans se fatiguer ni dépendre des transports collectifs, pour considérer la voiture électrique comme une alternative économiquement rationnelle (sur une durée de 5 à 8 ou 10 ans d’usage, considérant les économies de carburant et d’entretien, et sans pinailler sur son cas particulier ni balancer trop de croyances et opinions dans la réflexion) au véhicule à moteur thermique, et peu importe qu’on soit urbain adepte de courts trajets locaux ou grand rouleur international.
Il y a maintenant sur le marché français une offre correspondant peu ou prou à tous les besoins de « mobilité » :
- la petite voiture pour urbains ou banlieusards adeptes de trajets quotidiens de proximité ne nécessitant ni trop de confort, ni trop d’autonomie (dont on sait qu’elle se paye dans les 10 000 et plus de surcoût par rapport à un véhicule comparable à moteur thermique), bref la R5 électrique du début du 21ème siècle, c’est la Zoé e basta cosi. Ça coûte 23 000 euros avec la batterie, mais sans l’accoudoir (entre autres) en option, et ça fait 200 km entre deux pleins « en vrai », pas 300 comme dans la pub. Variantes : Peugeot proposera bientôt une 208, on parle d’une Opel Corsa, et les biobos de luxe peuvent acheter une micro BMW (dont la rassurante option du mini groupe électrogène de secours n’est plus disponible en neuf, hélas pour les pilotes de naturel inquiet).
- la voiture moyenne pas glamour mais sans souci, c’est la Nissan Leaf, dans laquelle on tient à 4 avec quelques bagages dans le coffre, qui propose un niveau de confort et d’équipement raisonnable dans ses versions haut de gamme, et dont l’autonomie est maintenant promise autour de 400 km. Ça coûte 35 000 euros, 42 000 pour la version bien équipée à autonomie sympa, mais la pub prétend qu’on peut l’avoir pour 16 990 si on optimise les subventions et si on l’échange contre un vieux diesel. Variantes : une ou deux coréenne(s) dont l’autonomie est moindre, une VW annoncée, la Tesla Modèle 3 d’entrée de gamme, et deux « petits » SUV pour ceux qui aiment rouler en camion de ville, le Kona coréen, plutôt sympa est assez joli en bleu, et la DS3 si on supporte sa décoration intérieure moitié Mini revue par un désigner fan de gothique, l’absence de clim’ bizone indécente à ce niveau de gamme et de tarif, l’habitabilité concentrée sur les places arrières avec un coffre minuscule et des places avant d’aquarium pour poisson rouge cul-de-jatte allergique à la lumière, et les délais de livraison.
- La grosse bagnole tout confort et toutes options pour rouler et/ou frimer sérieusement, c’est la Tesla S, pionnière de la voiture électrique, rêve américain sauce californienne, à la techno d’iPhone à roulettes et au design de chaîne Bang & Olufsen de bon millésime. Ça se compare à une allemande sérieuse, un peu moins parfaitement construite et un peu moins suréquipée de sièges massants et autres instruments de plaisir solitaire, mais avec les superchargeurs partout sur les grands axes offrant l’électricité « gratuite » aux Tesla S et X (si on fait 20 ou 30 000 km/an, ça représente un petit millier d’euros d’économie annuelle), et la conduite automatisée la plus avancée du monde automobile. Variantes : pour les amateurs de chars d’assaut à 100 000 et plus, les inévitables SUV géants made by Germany, by China en Suède, ou by India en Angleterre, ingarables sans bloquer les rues parisiennes encore plus péniblement qu’un chantier plus ou moins exclusivement idéologique d’Anne Hidalgo mais les acheteurs de ce genre de choses sont indifférents à ces contingences, et sûrement quelques limousines et/ou bolides de chez qui vous savez si vous êtes canal Rolex aux deux mains avant 50 ans et aspirateur à objets sexuels moins chers qu’un avocat du divorce.
Moi, comme j’avais 50 000 sur un compte épargne à rendement facial symbolique et réel négatif, j’ai profité de l’été pour essayer quelques unes des voitures déjà sur le marché, notamment, dans l’ordre chronologique :
- les deux Hyundai, chez le concessionnaire sympa près de la Place d’Italie, le nouveau SUV Kona et un modèle plus normal et un rien plus ancien. Je préfère le petit faux 4/4, avec son autonomie convaincante et sa conduite demi automatisée (ça surprend un peu, la première fois qu’on laisse la voiture conduire toute seule sur une autoroute urbaine parisienne blindée de camions pressés et de fous du volant, mais c’est assez convaincant) sans surcoût délirant, mais les délais de livraison pour un modèle à la couleur choisie sont de plusieurs mois.
- la « petite » Tesla 3 (rouge) à 4 roues motrices et un paquet dingue de chevaux, pour un urban jungle road trip canal Ray-Ban Wayfarer sous le toit vitré géant, à défaut hélas de décapotable, entre la Madeleine et le Parc Monceau. Wahouh ! Coup de foudre inévitable si on n’est pas radicalisé véloparigot/quinoabiobo/jusdeconcombredétox. Bateaux mensuels pour livraison sous quelques semaines, juste deux options à (ne pas) choisir, l’une à 10 000 si on a envie/besoin de plus d’autonomie que les 400 km standards, l’autre à 6000 si on veut la conduite presque totalement automatisée, et même sans les options l’impression d’acheter du futur et du California Dream comme au temps des Apple 2 et du premier (seul ?) Macintosh … on repartirait volontiers à son volant s’il ne fallait vérifier un ou deux trucs avant, le tarif de l’assurance (abordable), la géographie des bornes de recharge pas trop lentes ni envahies de SUV diesel sur ses itinéraire habituels (acheter en deux clics dans le ouaibe un pass ChargeMap à 19,90 et ça roule ma poule pour la plupart des bornes plus ou moins publiques, sauf si on a vraiment envie ou besoin de pouvoir ventouser les anciennes places Autolib à Paris, auquel cas un câble suplémentaire dit « T2-T3 » à 3 ou 400 balles sera indispensable), aussi, et la disponibilité de 42 000 + euros sur un compte dormant, surtout …
- la Nissan Leaf, avec un remarquable vendeur la concession de Saint-Ouen l’Aumône. Bonne caisse, moitié style Toyota pour le sérieux japonais, moitié genre protestant suédois pour le rapport design-qualité-prix et les bornes de recharge au parking Ikéa. Délais en principe pas délirants pour un modèle de couleur passe-partout bien équipé au top de l’autonomie pour une voiture à tarif raisonnable, et look moins tapageur que sa rivale Californienne, pas « Wahouh ! » mais « ça le fait » comme twittent les vieux djeuns. Le choix de la raison si l’on se pose souvent en ville, mais qu’on veut quand même une voiture de taille, confort et équipement au-delà de ceux de la Zoé.
- La Zoé grâce à la souriante réactivité du garage Renault familial Oursel de Saint-Ouen l’Aumône et à la disponibilité efficace de son confrère de la concession Rousseau d’Osny. Rien à déclarer, bonne petite machine à petits trajets et pour se garer en ville sans pester contre les places trop petites ni avoir la trouille de se faire rayer son bolide à coups de clefs haineux et/ou brûler ses économies par des excités du sport à la télé et/ou de l’agitprop, mais si l’on roule habituellement dans une bonne vieille Mégane CC toutes options, sans parler des pilotes de caisses de luxe, on a l’impression de retomber dans une 2CV, sans le bruit sympa du moteur, ni l’attendrissant toit ouvrant, moins encore le sourire des passants plutôt aussi agacés de ne pas vous avoir entendu arriver, que si vous les dérangiez dans le RER pour leur suggérer de laisser leur place assise à une femme enceinte.
- La DS3 Crossbak (essence 136 chevaux, pour donner sa chance au made in France bien que la version électrique ne soit pas encore essayable et que ses premières livraisons ne soient promises que pour début 2020) de la concession Citroën de Gisors, dont la disponibilité aimable mérite d’être signalée. Il faut aimer les faux 4/4 plus encombrants que confortables, oublier toute référence aux DS des Trente Glorieuses, supporter la déco gothique clinquante de l’intérieur, et accepter que le confort des places arrières soit l’atout principal de la voiture, au demeurant pourvue d’un coffre lilliputien. Par ailleurs, si Citroën vise une clientèle prête à payer 45 000 euros et plus, mieux vaudrait à mon sens dépenser 3 francs six sous pour proposer au moins en option la clim’ bi-zones, mais peut-être tous les couples de clients aisés n’espèrent-ils pas pouvoir chauffer les pieds nus de Madame pendant que Monsieur se rafraîchit les chaussettes (notons que Tesla propose le chauffage des sièges arrières dans ses versions haut de gamme, ce qui peut laisser les couples sans enfants avec ou sans chats indifférents, mais séduira les happy few qui emmènent une grand-mère aux vacances de ski ou jouent de temps en temps le taxi pour leurs supérieur(e)s hiérarchiques …).
Ceci constaté cet été et résumé fin août 2019, l’offre électrique évolue vite (et la concurrence de la pile à hydrogène se profile dans le rétroviseur), tout le monde n’a pas envie ou la possibilité de payer upfront 10 ou 15 000 euros de surcoût amortissable en 50 ou 100 000 km selon les cas de figure (si on ne paye pas, ou très peu comme le personnel EDF, l’électricité, ça peut s’amortir très vite, et si on habite dans une région gaspillant l’argent de ses contribuables pour subventionner l’achat de batteries made in China, ça aide aussi), et force est de ne pas faire semblant d’ignorer que rouler électrique, sauf à recharger sa voiture avec ses propres panneaux solaires, c’est déplacer la pollution de sous le nez des gosses de citadins de sa ville (encore) prospère vers les victimes présentes et futures de la production d’électricité au charbon ou nucléaire, ce qui est une certaine idée de l’écologisme, plus biobo des beaux quartiers de capitales du monde d’hier et apparathick du militantisme business classe, que légumes du jardin responsable, sobriété (plus ou moins) heureuse, et autres #WeLoveGreen des villes et des chants … bref, si vous êtes parmi les 1 pour cent d’acheteurs européens de voitures neuves choisissant l’électrique (notons qu’on est déjà dans les quelques % de plus riches du monde en étant simplement citoyen européen, et qu’on est encore dans les 1% de gens les plus prospères de notre pays heureux de continent riche si l’on peut envisager l’achat ou l’usage d’une bagnole neuve), n’en tirez aucune fierté déplacée, mais roulez cool, respectez le code de la route et les autres conducteurs de véhicules à 4, 2, ou n’importe quel nombre de roues, et les autres usagers mobiles ou immobiles de l’espace public, enfin, plantez des panneaux photovoltaïques sur le toit de votre maison et/ou votre garage si vous avez la chance de pouvoir rouler à l’énergie solaire.
RF – 31 août 2019
PS : moi, j’ai craqué, mais je n’ai jamais prétendu être exemplaire, et si j’avais des masses de temps devant moi avant d’être (encore plus) vieux, et si ma femme n’avait pas insisté, j’aurais juste gardé ma vieille Renault CC essence bien entretenue, conserver son véhicule étant de loin plus écolo qu’en changer, fut-ce pour une voiture plus ou moins solaire (notez qu’il n’y a bizarrement pas encore de panneaux solaires sur les voitures électriques commercialisées, tout au plus une expérimentation symbolique sur le toit d’une Toyota Prius hybride, et une annonce chez une petite boite inconnue prétendant proposer une concurrente à la Tesla d’ici quelques mois).