
Ophtalmo à 9 heures : rien à signaler côté vision, fatigue oculaire normale à bosser sur écran toute la journée depuis des semaines sans pause café, ni rendez-vous ou déjeuner dans la vraie vie, même pas d’affiches de pub dans le métro ou sur les abribus à regarder, et ordi ou télé le soir aussi. Sympa de faire la causette de vive-voix avec un humain pas toujours le même que depuis 2 mois, même avec des masques et le toutime anti virus, et même si s’entre-raconter ses lifes de confinement passé et d’incertitudes inquiètes pour l’avenir, ça ne fait que demi chaud au coeur.
Café-croissant emporté de chez Starbuck (pas vraiment le choix). Pas désagréable, ça donne presque l’impression de voyager, de faire la queue en zigzag avec des barrières comme à un comptoir d’aéroport (mais sans valises, ni taxi frénétique ou RER blindé et VAL toujours à l’envers), de tchatcher 20 secondes avec la serveuse sympa emballant le croissant et le serveur des cafés préparant deux gobelets en carton, comme on blablate avec une hôtesse et un steward d’avion chacun de son côté de leur chariot en souriant à la carte de crédit. Et marcher 5 minutes pour aller avaler son petit noir sur un banc au soleil, c’est chouette comme voyager en classe business (ou mieux), passer les contrôles zéro souci en mode VIP, et aller se vautrer dans un bon fauteuil au salon classe affaires …
Coiffeur à 11 heures : pas de veste pour ne pas multiplier les gestes et contacts inutiles, shampoing fait à la maison le matin pour les mêmes raisons, gel anti-virus proposé par la patronne avant toute chose (on en avait mis du sien avant d’entrer, d’ailleurs on en met tout le temps, dès qu’on croise un regard ou qu’on se gratte le nez, du coup c’est un peu vexant, et décevant parce qu’avant on proposait un café, pas du désinfectant, mais ça rassure tout le monde), blouse jetable sortie d’un emballage en plastique individuel, chacun son masque, visière transparente en plus pour la coiffeuse. Petit moment de contrariété parce que, distanciation oblige, on sera coiffé au sous-sol, plus confiné. Gestes un peu maladroits, un genre de premier baiser d’ados … mais ça se passe très bien, on tient l’élastique du masque pendant la taille autour des oreilles, la couleur de la dame d’à-côté avance, on ressort en se disant qu’on n’a pas occupé trop longtemps un siège dont d’autres avaient plus besoin, qu’on a un tout petit peu contribué à aider la coiffeuse à payer son loyer, sinon fait sa part pour doper la relance de l’économie.
Pharmacie : 2 masques noirs, 2 blancs, un tube de gel, moins prestigieux que quand je suis passé acheter des préservatifs king size renforcés (pour tenter de manchonner dans du vinaigre blanc un robinet grippé de calcaire, à la guerre comme à la guerre) pendant le couvre-feu, mais atmosphère printanière dans la boutique, qui tranche avec l’ambiance de salle d’attente aux pompes funèbres qui prévalait quand on venait tristement constater la pénurie de thermomètres et le retard d’arrivage du gel, en osant à peine prendre des nouvelles quand on constatait une absence dans le personnel habituel, en respirant le moins possible l’air d’entre deux clients se ravitaillant en Doliprane ou demandant discrètement de la Nivaquine.
Boulangerie : rien de nouveau sous le soleil à la boulangerie familiale qui était restée vaillamment ouverte 6 jours sur 7 pendant le confinement, sauf que comme les boites et machins administratifs d’autour n’ont pas réouvert, et qu’une partie des émigrés en province y est encore, tandis qu’au moins un des boulangers concurrents de proximité à repris son activité, les clients à la carte bancaire solvable mangent et mangeront du bon pain blanc, mais les boulangers ne font pas, et ne referont pas rapidement, des chiffres de rois du pétrole.
Boucherie : bonheur d’un étal « comme avant », et d’un approvisionnement en excellents saucissons corses et Morteaux/Montbéliard guère plus chers que de l’industriel de supermarché, même si franchement la maison a, comme le boulanger, servi les clients 6 jours sur 7 avec en tout et pour tout une rupture sur les épaules d’agneau le matin du dimanche de Pâques, et petit plaisir minuscule de ne pas avoir en coin de tête l’objectif de période de confinement de maintenir un stock aussi considérable que le frigo le permettait, et une réserve de saucisson sec pour pouvoir tenir 3 mais « au cas où ».
Primeurs, marchand de vin : joie de pouvoir ne passer que pour dire bonjour depuis le trottoir ensoleillé.
Retour at home sweet home, bien moins oppressant depuis 36 heures malgré une météo moins vacancière que pendant les 8 semaines de canapé-ordi-télé forcé… un peu honteux de n’avoir pas du tout bricolé, presque rien rangé, et même pas trié les papiers ou géré les trucs genre impôts pendant deux mois de confinement, alors que l’ophtalmo e avait profité pour faire plein de bricolage (encore fallait-il avoir du stock de pinceaux et peinture …) mais c’est comme ça.
On dira ce qu’on voudra, mais on respire mieux dehors sans attestation dérogatoire datée et signée dans la poche, et on dort plus paisiblement devant un n-ième épisode de Harry Potter à peu près à l’heure normale sur une chaine normale, que quand on somnolait péniblement entre un de Funès déjà revu 36 fois, une 7ème compagnie encore plus poussive que les vidéos maison en webcam pas maquillé, pas peigné, de sous-ministres croyant essentiel pour leur avenir de montrer au PR qu’ils/elles n’étaient ni à l’hôpital, ni en abandon de poste (ni en EHPAD, pour les recyclé(e)s du temps de Hollande), ou un James Bond des familles à l’heure des films cochons pour ados et autres pervers confinés sur les chaines pour abonnés (obsédés ?) que vous et moi, d’abord on ne regarde évidemment jamais, ensuite on doit se mettre une passoire à farine devant le masque pour essayer de distinguer un peu de croustillant sans payer, comme au bon (?) vieux temps du porno seulement très tard le dimanche soir seulement sur Canal+ crypté façon tempête de neige nocturne avec bruit d’aspirateur déréglé.
On s’emm…, non ?
RF – Paris, 12 mai 2020, #DéconfinementJour2