Jean Quatremer, correspondant de Libération auprès de l’UE, dit assez haut et très bien ce que beaucoup pensent plus bas et assez mal sans oser « think out of the box » : « Le scénario cauchemar de la contagion de la crise de la dette souveraine semble être en passe de se réaliser, ce qui fragilise dangereusement la zone euro. Les « marchés », sans que l’on sache très bien s’ils anticipent ou précipitent l’éclatement de la monnaie unique, vendent à tour de bras de l’euro, le faisant chuter à 1,32 dollar hier contre 1,45 il y a trois semaines… » : l’article complet est paru ce dimanche dans son excellent blog « Coulisses de Bruxelles », créé en décembre 2005, qui a obtenu le prix Louise Weiss du journalisme européen.
Si l’on veut aller encore un peu au-delà de ce qu’il est presque politiquement correct de penser et écrire à ce jour sur les lose-lose irlandais et portugais, les possibles catch-22 espagnol ou français demain (en couverture du Journal du Dimanche ce matin : « la France menacée »), sur ce qui pourrait être à l’économie internationale ce que Munich fut à la construction européenne il y a quelques décennies (« vous avec choisi le déshonneur, vous aurez la guerre », Churchill, 1938 à Chamberlain), on peut écouter les excellent talk-shows de Radio BFM et surfer un peu sur les sites des think-tanks européens les moins bridés intellectuellement.
Ceux qui osent réfléchir plus ou moins publiquement aux concepts de rééchelonnement de dette des pays ou zones surendettées, qui savent que le Club de Paris est l’instance normale pour le traitement du surendettement des états sous accord FMI, qui se souviennent de la dévaluation du Franc-CFA en 1994 et peuvent penser une sorte de zone Euro-CFA pour certains pays. Inenvisageable, bien entendu, ce serait ouvrir la porte de l’Europe à deux vitesses, c’est certainement interdit par tel ou tel traité, c’est politiquement invendable aux opinions publiques, les Eurocrates sont contre, c’est comme si on proposait de couper la Belgique en deux … What else ?
Ceux qui savent regarder en arrière pour proposer un futur européen. Ceux qui savent que la « déflation Laval » de 1935 n’a mené qu’à 1936, sympathique balle optimiste dans le pied « à la 1981 » dans la perspective de l’inévitable 1939-45 qu’il fallait être bien sourd et aveugle pour ne pas entendre arriver avec ses sinistres grondements, pour ne pas voir venir avec ses hordes de pompiers pyromanes et plus si affinités. Ceux qui savent que les dévaluations compétitives non coordonnées enclenchent une spirale d’échecs, comme cela a été rappelé à Séoul par les leaders du G20 dont l’unanimisme de façade cachait mal les tentations protectionnistes, dont l’esprit d’équipe affiché dissimulait peu les réalités de jeux personnels toxiques.
Ceux qui savent qu’il faut « think out of the box », voire « think as if there is no box ». Vite et bien, pour l’avenir du « modèle » européen alors que le signal des marchés n’est que trop fort et clair « Démontez vos Etats-Providences ! » : une certaine idée de la contruction européenne. Une balle dans le pied du Développement Démocratique Durable.
La main invisible du marché est un bras cassé ! Pour autant, si la politique ne doit pas se faire « à la corbeille », la faire dans la rue est également contreproductif. Quant à la (laisser) faire dans les casernes ou les antichambres, c’est encore une autre idée du Développement Démocratique Durable …
Renaud Favier, 28 novembre 2010
Le bonus : parce qu’en la très regrettable absence de Winston Churchill, Lord Adair Turner fait partie de ceux qui « think out the toxic box » et montrent la lune avec leur doigt. Reste à ne pas regarder le doigt …


