Le premier trimestre est passé.
C’est encore un peu la crise ou sa convalescence, voir :
Mais, selon la formule consacrée : « Jusqu’ici tout va bien »
Copenhague est à la trappe et le thon rouge est aussi mal parti que l’ours blanc ou les bêtes à cornes ou ailerons supposés aphrodisaques mais rien de très gravement nouveau sous le soleil. A suivre pour se tenir au courant ou soutenir une bonne cause parmi trop d’autres : http://www.wwf.fr/ ou www.unicef.fr par exemples.
A part quelques tremblements de terre ailleurs ou sécheresses loin et une tempête très près qui a rappelé les règles de base pour les permis de construire, business as usual, pas d’éruption volcanique majeure, pas de nouvelle épidémie de vaccins et pas de crash financier. La fin du monde et 1929 ont, semble t’il, été momentanément évités, les paniers AMAP luttent contre le réchauffement climatique et la faillite grecque met les points sur quelques « i » européens tandis que les succès du « modèle allemand », ne vont pas sans déclencher certaines divergences d’analyse mais permettent, pour faire lien avec une vieille blague de l’Almanach Vermot parce qu’on est quand même le 1er avril, de chercher les clefs de l’avenir où on les a perdues et pas où il y a de la lumière (ou des caméras).
Les cafés de Saint Germain des Prés n’étant plus lieux de débats intellectuels sur les lendemains qui chanteront, le sexe des anges politiques ou la psychanalyse des contes de fées sociaux, les Gaulois discutent par Internet ou sur la TV publique de boucliers de Brennus fiscaux, sociaux, bientôt carbones … « O tempora, o mores … » (relire Astérix « Le bouclier arverne »). Ils ont aussi profité du calme de la saison d’hiver pour brainstormer sur sur la compétitivité de leur industrie, la traduction française de « Mittelstand », les ETI, le permis de chasse à la croissance à l’international, le « Made in France » et autres sujets connexes au patriotisme économique et à son vilain cousin toujours à l’affut d’un mauvais coup, le protectionnisme.
Le très documenté rapport du Conseil d’Analyse Economique sur la relation entre la performance et l’investissement direct étranger est déjà téléchargeable sur http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/CAE89_IDE.pdf, (résumé 4 pages http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/CAE-2010-02_IDE.pdf ). Convaincant le plus souvent, à la frontière du totaulogisme parfois, ce rapport est une saine lecture.
Sur le « Made in France », très commenté par la presse lors des Etats Généraux de l’Industrie, un rapport officiel attendu en mars devrait sortir courant avril. D’un point de vue modestement perso à quelques jours de Pâques, le civisme économique 2010 peut ressembler à un chemin de croix. Ci-après quelques exemples vécus récemment sur le « made in France » :
Contrôle technique oblige, j’ai remplacé un véhicule (de près de 25 ans et devenu un peu capricieux, certes) qui fonctionnait très bien dans son rôle de base d’instrument de transport d’un point A à un point B, ne polluait pas plus que nécessaire (moteur à essence, pas diesel à fumée noire, et contrôle de CO2 régulièrement OK) et ne consommait pas plus en ville que n’importe quelle citadine récente. Dura lex, sed lex, le contrôle technique ne connait pas la crise et le morceau de pare-choc qui manquait et qui n’existait plus en catalogue ou même en casse risquait certainement d’éborgner un passant qui aurait passé la tête au ras du bitume. Ayant renoncé à lutter contre Courteline et abandonné le projet d’un geste symbolique « développement durable » faute d’hybride made in France et accepté de ne pas acheter « logique » made in Roumanie ou « ludique » made by Germany in England ou Smart made in France but by others (et vraiment tout petit) afin de soutenir ma conscience et l’emploi en période de crise, j’ai conclu avec un des contructueurs nationaux en mettant de côté les préceptes familiaux datant des sixties (« germanique ou japonais tu achèteras car elles roulent mais ne rouillent »), les doutes sur la nationalité des actionnaires du constructeur, l’incertitude sur le lieu de fabrication et l’origine des composants, enfin la suspicion légitime sur l’impact réel en termes de balance commerciale. N’ayant donc pas cherché à vérifier où la machine était fabriquée et étant parvenu à éviter les délais de livraison abracabrantesques en choisissant une occasion presque neuve (mais ne permettant pas la prime à la casse, hélas), force est de reconnaître que le contact commercial, la voiture et le service qui vont avec sont jusqu’ici parfaits.
Divine surprise, mais … c’était 2009 !
En 2010, ça se gâte.
En cuisine que je devais équiper : à part les plaques de cuisson dont une marque est encore assemblée en Alsace, le magasin (français d’origine mais racheté depuis quelques années par un groupe britannique) n’avait rien, absolument rien de vaguement Made in France même en acceptant de payer (un peu) plus cher pour pareil, voire (un peu) moins bien, comme c’était encore possible dans ma jeunesse. La Mère Denis est revenue à la télé mais les frigos et lave-vaisselle sont au mieux allemands, les machines à laver apparemment plus ou moins toutes italiennes sous des noms germaniques, scandinaves ou français, et les micro-onde invariabement made in China avec quelques exceptions thaï et vietnamiennes. Pour le micro-onde, j’ai trouvé une marque japonaise, ça fait plus sérieux mais c’est également fabriqué en Chine. Too bad pour la cuisine made in France, à moins d’avoir la place pour une vieille Godin d’avant-guerre, tout au plus peut on acheter quelques casseroles en fonte et poëles anti-adhésives au téflon avec drapeau bleu blanc rouge, un poivrier Peugeot (ça c’est pour équilibrer la pub en douce parce que la voiture, quand on voit comment je m’appelle, il ne peut y avoir de doute) et des topinambours cultivés sans engrais étrangers en vente directe du petit producteur. La bonne nouvelle pour l’emploi en France c’est qu’avoir trouvé un vendeur compétent et attentif, ça m’a évité deux ou trois grosses bêtises que les sites Internet m’auraient laissé faire sans sourciller.
Au salon : j’ai acheté un ordinateur portable. No comment, à l’école on m’a appris que la France et son champion Bull du Plan Calcul ont inventé le Micral mais il doit y avoir eu un bug quelque part parce que c’est encore pire que côté cuisine, même plus un Goupil de service caché à l’arrière des rayons ou un modèle d’occasion possible. J’ai pris le modèle californien de base 100% made not in France dans ce magasin qui vend aussi des livres et qu’à tort ou à raison je crois encore un peu gaulois, voire vaguement citoyen. J’en suis d’autant plus content qu’il est joli et me rappelle mes années d’étudiant semi-rebelle avec les pub « think different » tellement réussies qu’on y croirait presque, mais sauf si le processeur contient des morceaux produits à Grenoble, je crains de n’avoir que très peu contribué à l’emploi et je ne suis pas certain que ces pommes soient très vertes au demeurant. Anyway, les vendeurs du magasin sont toujours aussi sympas et compétents et eux au moins auront travaillé grâce à cet achat.
Au salon bis : l’abonnement internet, le cauchemar si on essaye de comparer les offres sur écran, les triple ou quadruple play avec 3G+, les groupages et dégroupages à géométrie variable etc … mais si on prend le fournisseur avec le mot France dans son nom et basta cosi, ça marche en fait assez simpement, sans trop de paperasserie, et les commerciaux sont humains et super sympas au téléphone. On peut avoir vaguement le sentiment que les autres opérateurs proposaient plus ou moins la même chose pour un peu moins cher et étaient étonnamment tous plus ou moins gaulois à ce stade mais parfois il faut trancher au glaive sans trop se poser de questions ni demander si le délai d’attente au téléphone sera aussi court pour le support technique au cas où … Cocorico donc même si sûrement tout le barda éléctronique doit être made in far away, ça fait plaisir d’être branché sur les PTT qui ont inventé le Minitel.
En vacances enfin, quelques jours au ski. La station a été plus ou moins rachetée par la Caisse des Dépôts, ça c’est bien gaulois (même si les télésièges ne sont pas de la marque de ce fleuron isérois qui a été racheté par un groupe italien), il y a partout des photos de nos champion(ne)s (c’était imprévisible qu’ils reviennent sans même une médaille) et mon coach est un ancien de l’équipe de France avec ESF écrit dessus comme le porc salue (pas résisté, désolé) : plus gaulois tu meurs, jusque là tout va bien. Mais ça se gâte quand même : ni skis, ni chaussures, ni bâtons, ni lunettes, ni casque, ni gants, ni protège-tibias pour le slalom, ni bonnet, ni rien de rien de made in France n’est achetable ou louable pour s’équiper alors qu’il y a 30 ans Killy rafflait toutes les médailles avec du matériel et le toutime made in 100 km autour de Grenoble et ses chaussures en cuir de vache de pas loin. Il y a un bug aussi dans le Plan Ski on dirait. Pas très grave si le réchauffement climatique fait fondre les glaciers mais quand même, c’est un peu déstabilisant de glisser sur des skis de marque US made in Austria pour le géant et suisse pour le slalom, avec des chaussures italiennes inévitablement. J’ai encore mes vieux batons Look d’il y a 25 ans avant que Tapie les rachète et revende, mais ils étaient déjà made in Italy. L’honneur gaulois est pourtant sauf : le lipstick de l’Occitane en Provence (qui semble avoir relancé son projet de cotation à Hong Kong pour financer son développement en Asie, magnifique boite qui surfe superbement sur la mondialisation) est fait quelque part en France et il parait qu’un petit fabricant continue à produire des skis sur-mesure quelque part dans le Jura tandis que les nouveaux propriétaires de Rossignol et Dynastar (revendus l’an dernier par l’américain Quicksilver à un pool d’investisseurs) n’ont pas jeté l’éponge de la fabrication en France.
Bon, j’entends sonner, c’est la fin de la pause déjeuner, un nouveau trimestre de pêche à la compétitivité et de chasse au « made in France » débute : au travail. Ou alors ce sont les cloches de Pâques ?
Byzeway, les chocolats de Pâques, c’est une occasion de faire travailler un peu des gens, des artisans de proximité par exemple, voire de fondre du chocolat (si possible un peu équitable) dans ses propres moules en mode convivial. On n’est pas obligé d’acheter seulement des petits lapins dorés mondialisés (je n’ai pas dit « lapins crétins »).
Joyeuses Pâques
RF


