L’alarme du crocodile Raoni et autres fables tristes


Le projet de barrage géant Belo Monte a ré-émergé en France le week-end du congrès EELV. La sortie allemande du nucléaire, le gaz de schiste ou les concombres auraient pu déclencher des larmes vertes plus crédibles qu’un vieil amazonien, mais Politik ist Politik.

Larmes pour l'écologie de rassemblement ? Si non e vero, e ben trovato et whatever works si ça fait d'une pierre deux coups pour les indiens en dépassant écologisme 1.0

Mais ce mercredi 1er juin 2011, après une vingtaine d’années de préalables, l’agence brésilienne de protection de l’environnement a accordé le permis de construction de ce qui sera l’un des trois plus gigantesques barrages hydroélectriques du monde, au Brésil, au coeur de la forêt amazonienne. Ce projet qui inondera 500 km carrés aura bien entendu un impact environnemental très important et induira la déplacement de plusieurs dizaines de milliers d’indiens indigènes et /ou déjà repoussés dans ce coin de forêt par la conquête de l’Amazonie (avant, c’étaient les aléas climatiques, phénomènes naturels et guerres indiennes qui provoquaient des migrations, avec aussi quelque impact sur la sérénité des autochtones mais ce serait politiquement incorrect de signaler que les Indiens sont depuis toujours des zoms comme les autres, pas de gentilles images sépia des Tristes Tropiques, I suppose). Ce sera une assez belle cerise sur le mille-feuilles des cicatrices déjà infligées à une Terre qui ronronnerait de bonheur comme un chat au soleil si elle n’était encore plus méchamment battue pour notre bon plaisir et celui de nos sponsors qu’à Roland Garros, mais what else ? Ecologie Canal Historique ?

On a beau planter de grosses graines, ratisser et même arroser, rien ne repousse, c'est comme après le cheval d'Attila

Ce n’est certainement pas un plaisir pour la présidente Dilma Rousseff de faire pleurer le Chef Raoni en signant sous les yeux désolés du monde entier (sauf les gens qui auront du boulot, des dividendes et/ou un avenir grâce au projet, les tartuffes de service et les lapins-crétins qui ne comprennent même pas les enjeux) l’acte de noyade d’un gros morceau d’environnement amazonien et de décider la déportation d’un mode de vie aussi innocent qu’une femme de ménage dans un hôtel new-yorkais.

Ach, la Realpolitik, kolossal Tristesse, tout le monde n'a pas la chance d'avoir un parc nucléaire à sacrifier ou des primaires à gagner

Pour autant, un homme d’état, fut-il une femme 2.0, ne peut toujours préparer l’avenir sans s’asseoir un peu, voire beaucoup sur des principes le présent et balayer fermement devant sa porte , voire brûler sauvagement ses rivaux effectifs ou potentiels le passé. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir hérité de politiciens professionnellement clientélistes formés aux meilleurs écoles nationales du corpo-conservato-conformisme qui marche si bien qu’on devrait l’exporter de nappes de pétrole, des infrastructures ou des économies résultant des efforts, du génie parfois, de la violence trop souvent, d’une centaine ou plus de générations.

L'héritage, de toute façon, c'est un mauvais service à rendre (disent ceux qui n'en ont pas vraiment besoin)

Tout le monde n’a pas les moyens de décider de sortir du nucléaire en claquant les doigts et en les croisant pour que les énergies alternatives fonctionnent, en comptant un peu cyniquement acheter de l’électricité nucléaire aux voisins si et quand besoin au cas où la réduction de la consommation inutile serait moins rapide qu’espéré, enfin en priant pour que ni à l’Est, ni à l’Ouest un intérimaire ou stagiaire n’appuie sur un mauvais bouton ou n’oublie un balai près d’un filtre à refroidissement un jour de tremblement de terre.

Energie Europe 2.0, Angela cultive son jardin bio mais l'herbe est durablement moins verte chez ses voisins, plus ou moins voltairiens

Les plus malheureux, dans toutes ces affaires, ce sont les crocodiles et assimilés en voie de disparition (avec ou sans France 2.0, le nombril du monde est important mais la tête et les jambes de la planète sont ailleurs, en réseaux, n’en déplaise aux canaux historiques de toutes natures).

On a les chances qu'on mérite ...

Les vieux notables, rentiers et autres « crates » incapables de changer leur fusil d’épaule voient leurs certitudes vaciller et se précipitent aussi vite que le permettent leurs béquilles physiques et mentales pour pleurer dans les médias compatissants, chez leurs lobbyistes préférés et/ou sur le canapé de leur psy. On entend leurs sanglots mais c’est sans danger direct en principe, qu’il s’agisse des « pour » ou des « contres » de quelque cause qu’il s’agisse, tout ce petit monde n’agite que l’eau de son bocal sauf quand une bactérie sautille d’un concombre à l’autre en glissant sur les germes de soja et autres présumés innocents si affinités, ou quand un zélu de Nancy marche astucieusement sur les plate-bandes (plantées dans le programme PS, c’est dans l’ordre des choses politiques) négligées après coup médiatique d’un vieux surfeur assez confortablement incrusté dans le système malgré son écharpe d’indigné moralisateur de service (genre Brice de Nice, mais moins drôle). Si on aime Radio Nostalgie …

Et pour le mariage homosexuel par exemple, depuis votre coup médiatique de 2004 à Bègles sous écharpe tricolore, vous en êtes où ?

Les zexperts, politiciens, ayant-droits et autres professionnels de la res-publica moderne qui craignent autant que les acteurs économiques pour leur fond de commerce électoral, social, financier ou assimilé. Leurs réactions peuvent irradier plus vigoureusement s’ils sont bien connectés aux réseaux d’influence du moment et s’ils gèrent efficacement leurs comptes Twitter ou Facebook, sous prête-noms ou pas. Parfois, cela peut être presque drôle lorsqu’un ancien maitre du monde déchu dit tout et n’importe quoi d’autre sur tous les médias prêts à lui acheter un peu de temps de vocifération salutaire (mais cf Voltaire, même si on n’est pas d’accord, il faut qu’il puisse parler ne serait-ce que parce que les intégristes d’en face sont au moins aussi pi(t)res), ou quand un édile prétend que les nuages radioactifs ne parlent pas notre langue. Si on aimait Radio KGB …

No comment, voir best-of des Guignols de l'Info, mais même s'il est exaspérant ou s'il a sûrement aussi tort que raison(s), il faut qu'il parle et qu'on l'écoute

Mais pour les vrais crocodiles et autres alligators élevés dans les eaux de rejet tièdes des centrales nucléaires allemandes ou vivant libres dans le Xingu brésilien, ainsi que pour leurs écosystèmes de tanneurs de luxe, de guides de tourisme vert ou de vendeurs de permis et matériels de chasse, c’est une autre paire de manches et les sanglots longs sont hélas d’autant plus convaincants qu’ils seront simplement massacrés d’un trait de plume, même pas déportés comme des indigènes médiatiques. Regardons les au moins dans les yeux, faute d’oser les trucider de face pour pouvoir gaspiller l’électricité. Si on aime la Terre …

De toute façon, ils aillaient finir en sac à main et en pâtée pour chien, alors un peu plus tôt ou un peu plus tard

Pour les mômes, c’est encore moins ennuyeux, cela fait quelques milliers d’années qu’on massacre des gens et qu’on extermine des peuples sans que personne ne les regrette ou les pleure vraiment ni que cela empêche le sommeil des justes ou la prolifération des métastases humaines à peu près partout (sauf là où des super-riches mettent des barrières autour de la piscine de leur club de golf),  alors on n’est plus à quelques dizaines de milliers d’indigènes emplumés près, si ?

De toute façon, il sera beaucoup plus heureux en échec scolaire mais lavé, peigné et les plumes dans un vase

Et puis si Nicolas Hulot ne trouve pas vite un truc un peu médiatique pour renverser la vapeur avant les primaires, c’est encore les vieux verrouges d’avant la fin du mur de Berlin qui vont faire le minimum syndical des 4% en 2012 avec les survivants de Génération Ecologie, les apparatchiks professionnels qui déjeunent en ce moment plutôt du côté de Solférino parce que la cantine y est meilleure que rue la Boétie et que personne ne sait où sont les centres, enfin quelques djeuns petites mains dressées à voter par des éleveurs parentaux bobos radicaux intégristes du curcuma bio.

OK, c'est pas Redford ou Newman de Butch Cassidy, ni même McQueen dans Thomas Crown, mais quelqu'un a une meilleure idée pour changer de climat politique ? Allo Dany ?

Bien sûr, d’un point de vue « moral »,  je préfère en principe presque quand les « verts » grenouillent avec les gauches (les investitures verte-rose-verrouges, kolossal Rigolade) ou jouent aux vieilles peaux rouges contre les tuniques bleues et les desperados, parce que l’instrumentalisation à buts électoraux des végétaux, animaux et autres humains qui ont bien du malheur et de moins gros fusils que nous, ça me met aussi mal à l’aise que le principe de précaution qui génocide les concombres et leur écosystème pour rien (enfin presque, parce qu’on verra bien si cette épidémie ne permet pas de vendre de vieux stocks de masques anti-grippe aviaire ou de nouveaux produits phytosanitaires ou du brocoli ou du boeuf ou whatever concurrent du concombre sur les marchés) sans même prendre la peine de s’excuser avant d’aller trucider les germes de soja et plus si affinités. Mais play it again, Sam, si quelqu’un avait une meilleure idée côté bleu-vert ou de l’autre pas déjà toute moisie ou limite frelatée, on le saurait, non ?

La confédération des centres et des gauches et des droites plus ou moins verts, bon sang, c'était bien sûr !

La faim de voix justifie peut-être des moyens douteux si la cause est réellement juste et si gagner au moins une bataille pas trop à la Pyrrhus est envisageable. Bon appétit.

Renaud Favier – 6 juin 2011 – http://www.renaudfavier.comNet-Land-Art

Le bonus :  le cri du coeur de Nicolas Hulot contre le projet Belo Monte, un peu opportuniste voire très sérieusement en retard mais on n’a pas mieux en stock sur le sujet (et les yeux de la journaliste de Canal sont à se damner): http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid2438-c-le-boucan-du-jour.html?vid=474613

Les yeux !!! ...

C’est fini pour aujourd’hui, mais profitez vite de l’oeil du crocodile, sa fermeture définitive n’est pas très loin, il a formé un club avec les orang-outangs, les tigres, les ours blancs, les Indiens d’Amazonie et autres ailleurs, les justes, les concombres libres d’OGM anti-bactériens, les germes de soja bio, l’avenir de nos mômes si on n’écoute pas ce que dit doucement Merkel ou ce que racontent un peu plus loin les asiatiques bons ou moins bons, le changement en 2012 etc … Développement Démocratique Durable, Ecologie 2.0, vastes programmes.

Avec ou sans Belo Monte, un peu plus tôt ou un peu plus tard, un propriétaire de 4-4, de pitbull ou de trophy-woman voudra sa peau et le reste ... tandis que les indifférents comme vous et moi laisseront faire. Non ?

Ps : merci à Emma Daumas pour la jolie illustration de son recueil de fables « Les larmes de crocodile »

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Ils semblent grands car nous sommes à genoux (LaBoétie) Je hais la réalité, mais c'est le seul endroit où se faire servir un bon steak (Woody) De quoi qu'il s'agisse, je suis contre (Groucho) Faire face (Guynemer)
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4 Responses to L’alarme du crocodile Raoni et autres fables tristes

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