En Europe, le risque d’implosion est écarté. Il reste des incertitudes, des mains invisibles qui s’agitent et des chefs de tribu irréductibles qui flinguent un peu mais c’est comme en Libye, ça ira mieux demain. Ou alors en 2012. En tout cas, jusqu’ici tout va bien presque partout.
En Libye, on est parfois un peu perplexe devant les subtilités de la diplomatie de l’Europe en guerre économique. Mais finalement, vu de Tripoli, que Paris et Londres s’entendent quand c’est d’un porte-avion et de pétrole pour avions-ravitailleurs qu’on a besoin semble assez naturel puisque l’Allemagne exporte tout tellement bien qu’elle ne garde même pas pour elle de quoi faire une guerre à l’ancienne contre des ennemis nouveaux. Que Paris et Berlin s’entendent quand c’est de sauver une certaine idée de l’Euro(pe) qu’on a besoin semble gagnant-gagnant à Tripoli puisque même si l’Allemagne gère tout plutôt mieux que d’autres, elle exporte quand même avant tout en Europe et ses banques sont à peu près aussi convalescentes (condescendantes aussi, en un mot comme en deux, mais c’est un autre sujet, ou pas) que la France est dépendante, au moins à terme prévisible, de la santé de l’Euro(pe). Que Londres ne s’entende pas avec grand monde quand il s’agit de fédéralisme peut sembler assez normal vu de Libye où on a financé et entraîné pendant des décennies les militants d’une certaine idée des indépendances, particulièrement en Irlande du Nord. Alors, certains qui furent un peu sommaires mais efficaces en Libye sourient probablement en (se ? nous ?) disant : « C’est pas du Bismarck, ni du Daladier, c’est du Metternich ! » mais les plus en cour du moment se demandent surtout si les héritiers de Talleyrand pourront longtemps s’offrir des bas de soie (débat de soi ? bas de soi ?).
En Libye, on a les moyens de se payer cash la (re)construction des infrastructures de base pour électeurs idem genre écoles, internet, route et hôpitaux et même des fantaisies contestables pour élus idem genre palais décentralisés, aéroports et autres projets plus ou moins « verts » ou fonds d’investissement dans les startups ou canards boiteux selon les affinités. Mais si l’Euro pouvait dévaluer un peu aussi contre le Dollar, genre revenir vers 1 pour 1, ça serait quand même plus simple pour comparer les offres, parce que tout est trop compliqué en ce moment avec en plus le pétrole qui flotte et l’or qui s’envole. En général, l’acheteur libyen a grosso modo le choix entre un truc de luxe européen dont on connait le fournisseur (du Roy ou assimilé) depuis des siècles, le même ou presque américain 20% moins cher mais la boite qui le vend existe depuis moins de 50 ans et le vendeur parle trop vite, le même que l’américain encore 10% moins cher fait en Corée ou au Japon mais on ne connait pas la boite qui propose de faire mieux et plus vite que tout le monde, ou le même ou presque à encore nettement moins cher (contre)fait dans un pays atelier mais on n’arrive pas à lire le nom de la boite qui a répondu à l’appel d’offres. Ou alors, le made in et bientôt by China. Alors si l’Europe préconisait l’achat du Rafale, on y penserait, mais en se moment, on (se ? nous ?) dirait que comme EADS qui recommande l’Eurofighter est en partie une entreprise française, accessoirement actionanire de Dassault, et que les pétro-dollars libyens sont pour une part non négligeable en Suisse qui semble malgré le cours solide de son Franc avoir trouvé le Rafale neuf un peu cher, ce serait peut-être plus raisonnable, n’en déplaise au made in France, d’attendre et de réfléchir encore un peu, quitte à racheter un lot d’occasion à l’armée de l’air française, quand la biz-diplomatie et la Real-Politik permettront de délocaliser la maintenance en Libye, voire d’y transférer une partie de la techno pour créer une Aéro-Valley comme à Dubai, à Nouaceur (Casablanca) ou dans pas mal d’autres endroits en émergence plus ou moins rapide en fonction de la compétences des dirigeants politiques, ingénieurs et employés locaux, du climat, surtout des affaires, de l’attractivité fiscale et sociale et des dynamiques de délocalisations plus ou moins volontaires.
Mad(e) in France, on n’en est plus à « Vaste programme », c’est « Je vous ai compris » …
©2011 Renaud Favier – renaudfavier.com – musique ! – 10 décembre 2011
PS : En Libye, on se demande surtout, comme tout le monde, où est passé BHL, et surtout, que fera-t’il pour Nouvel-An ? Non pas qu’on manque d’experts en tout sur-diplômés en pessimisme philosophique sur les plateaux TV, d’autant que Luc Ferry est revenu et que quelques autres grands bruns ténébreux en chemise blanche sévissent dans le PAF, mais on avait été heureusement surpris de gagner une guerre et quelque part c’est lui qui incarnait une certaine idée de la victoire française 2.0, en parlant quand le porte-avion est en révision et sans aucun mort … français, avec disparition du tyran du coin et libération des énergies politiques nouvelles en cerises sur le gâteau.
C’est fini pour aujourd’hui parce que vraiment, en Libye, on a autre chose à faire que de se demander si Jack Lang va réussir à filer une baffe au Dupont-Aignan du #PS ou si après « Bienvenue chez es Ch’tis » au Carlton, on va avoir droit à « Rien à déclarer » en Nord Pas de Calais.
Même dans le désert libyen, on twitte.
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