France TV confirme que le temps « normal devrait continuer | «Renaud Favier : Café du matin à Paris

Le Président Hollande a réussi son premier debriefing sur France 2. Ce n’est pas une surprise, son style « normal » mais néanmoins présidentiel, ses premiers pas souriants mais fermes à l’international, son volontarisme sans bonapartisme sont dans l’air du temps.

Qu’il ait décidé une manière de Grenelle pour le 14 juillet semble une bonne idée, pas très rock n’ roll mais toute d’équilibre entre les dynamiques de changement(s) et les fondamentaux de la République, du genre qui fait toujours un succès comme le riz Uncle Ben’s ou autres miracles (la multiplication des poissons, c’est un vieux truc de politicien professionnel qui marche toujours, même si un peu moins bien, maintenant que les thons du Pacifique sont radioactifs, que les usines de mise en boite ont été délocalisées et que les consommateurs ont perdu le goût du poisson depuis la crise, l’inflation et le chômisme même pour les pêcheurs parce que ce sont des navires usines étrangers qui croisent au large des côtes françaises). Cela ne peut que mieux marcher que s’il avait chaussé les bottes d’Eva Joly pour bousculer le défilé militaire, ou simplement proposé d’autoriser à nouveau le feu d’artifice de la Tour Eiffel, avec ou sans concert de Yannick Noah en tournée de promo pour son disque de reprise de Bob Marley (bien vu question marketing et surf sur l’air du temps, bon plan média et joli teaser, lui aussi doit avoir de bons conseillers en com’).

Qu’il ait annoncé le principe d’un coup de pouce raisonnable au SMIC (rappelons que le « C » signifie « Croissance », mêmes les sigles ont un sens) est dans l’ordre des choses, même si ce n’est pas trop de saison. Cela bouscule un peu le patronat en posant les termes de l’échange de bonnes manières politiques et propositions technico-tactiques avant le Grenelle, sans changer grand chose au déficit de compétitivité métastasé et à la transformation tendancielle des anciennes usines en friches industrielle ou centres d’appels (concurrents de ceux de pays low-cost) et assimilés (parfois à statut coopératif expérimental parce que la participation, finalement, c’est une idée que les nouveaux experts en eau économique tiède et autres Frenchonomics et les ~~fans des Rolling Stones~~ lecteurs des Inrocks redécouvrent, 50 ans trop tard) subventionnés, ni tendre trop la main aux supporters et disciples les plus radicalement protestationnistes du candidat du Front de Gauche, du socialisme historique et de l’écologie politique auto-parachuté à Hénin-Beaumont (dont on peut être fan, ou pas, mais auquel on doit reconnaître un vrai talent de politicien professionnel du XXIe siècle avec les mots et les idées du XVIIIe -siècle, pas arrondissement-).

Qu’il ait donné un coup de griffe à la patronne du FMI n’est ni une surprise venant d’un Président qui était il y a peu encore le candidat adversaire d’une certaine idée de la finance que le FMI incarne à tort ou à raison (et c’est à peu près aussi injustifié que quand Jean-Luc Mélenchon incarne les damnés de la terre en citant -très bien- Jaurès ou Victor Hugo ou le courage politique en se faisant parachuter dans une circonscription d’autant plus gagnée d’avance qu’un redécoupage opportuniste a assuré que la Le Pen ne pourrait gagner que par une énorme surprise), ni une incongruité de la part d’un Président réformiste pour plus de justice sociale dans la mesure où l’arbre de l’absence d’imposition de Lagarde en tant que fonctionnaire international(e ?) cache une forêt d’exemptions et autres avantages fiscaux et assimilés (y compris certaines rémunérations et autres indemnités, comme l’a souligné le Président dans l’action) qui est probablement encore plus cancéreuse que les privilèges d’ancien régime, ni déplacée en période de campagne électorale alors que le PS a tout intérêt à déstabiliser les représentant(e)s d’une droite raisonnablement moderne et économiquement réaliste pour ne pas risquer d’être confronté en 2017 à péril plus dangereux que les « bébés Sarkozy » s’ils grandissent ou des vieux de la vieille s’ils ne succombent pas à la tentation de Venise, cette fois. De plus, soit Christine Lagarde cherchait le buzz pour le buzz et l’a trouvé, no comment ; soit elle a commis un petit impair comme quand elle avait parlé de réformer le code du travail en France mais cela n’aura pas plus de conséquences sur l’avenir du monde tel qu’il va, des enfants d’Afrique tels qu’ils vont, de la crise grecque telle qu’elle va, et des politiciens européens et français tels qu’ils sont, no comment aussi.

Qu’il n’ait pas évoqué cette nauséabonde affaire de vrais faux tracts à Hénin-Beaumont est … normal à tous égards, parce qu’il n’a pas à s’impliquer dans tous les « détails » des élections législatives, surtout qu’une défaite de la gauche parait juste impensable (aux rares observateurs que cela intéresse). D’autant qu’on a encore du mal à démêler l’écheveau et à être sûr qu’il s’agit d’une médiocre pyromanie à éteindre sans plus de formalités (sinon une bonne claque à l’incendiaire parce que depuis le coup du feu au Reichtag, on sait qu’il y a des provocateurs qu’il vaut mieux neutraliser dans l’oeuf) et pas d’un coup de billard à plusieurs bandes de la part de celui ou ceux à qui pourrait profiter le « crime ». Peu importe, ça ne va pas changer grand chose à une campagne électorale qui est dans la continuité de la présidentielle, avec pas mal de petites entreprises politiques à la recherche de notoriété pour les prochaines élections à suffrage proportionnel (et de financement public, bien entendu), et une alternance tranquille annoncée, non pas que les sortants de droite soient tous jugés moins performants, moins productifs ou plus « à dégager » que leurs collègues de gauche et d’autres horizons, ni d’ailleurs que les nouveaux politiciens professionnels côté « changement » soient tous au niveau de la républicaine cheville du tribun Mélenchon qui mettra au moins du poil à gratter sur certains fauteuils en velours, s’il est élu Député (comme cela semble certain depuis avant son parachutage).

Bref, le Président Hollande a bien « fait le job » sur France 2, donnant confiance sans promettre ni la lune, ni le sang et les larmes, ni même le beau temps pour toute la durée de Roland Garros (où byzeway Virginie Razzano a joliment honoré le drapeau en remontant de nulle part pour sauver des balles de match et passer le 1er tour au courage contre la surpuissante et ultra-favorite Serena Williams). Sans succomber à la tentation de jouer le Zorro (ou de parler des Zorro-Bonds), sans trop non plus jouer les faux modestes (en allemand, il y a un vieux personnage emblématique mais discret, le « Deutsche Michel » dont on n’a pas l’équivalent en France, ce qui explique probablement en partie les évolutions différentes des deux pays, mais auquel on pense en regardant François Hollande si on est un peu germaniste) et sans donner trop d’angle aux militwittos et autres protestataires en campagne électorale (il y a « râle » dans « électorale, amüsich, nicht ?), ni aux dirigeants, porte-paroles et porte-flingues de ses oppositions plus ou moins institutionnelles, y compris au sein de son camp, en pré-campagne pour 2017 et plus si affinités.

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