Nous sommes tous des démocrates norvégiens. Morts ou vifs.

Les Norvégiens morts le week-end dernier n’ont pas eu le choix. Pour eux, c’était « lieber tod als tot ». Façon « Millenium » à la scandinave plus que de mort lente comme on se le chante en vieille Europe. Comme on le danse sur les Titanics plutôt que de ramer contre les icebergs.

Certains ont encore plus des têtes de Norvégien mort que d’autres même s’ils ont l’air plutôt plus vifs et ne s’excitent ni en courant après les baleines bien nourries en drakkar en eaux troubles ou en godillots-paquetage-fusil dans les îles un peu Club-Med du Nord à la saison sèche (n’en déplaise aux égards dûs aux chairs disparues, je sais, on ne doit pas plaisanter de tout mais d’un autre côté, c’est assez écologique de recycler la bêtise mortelle, c’est une énergie renouvelable, à faible impact carbone et de proximité partout), ni en manifestant à la TV en toute saison contre les chasseurs de baleines (qui ont le droit à l’auto-détermination comme toutes les tribus « parce que c’est la tradition et qu’on est un peuple souverain et qu’on vous emm … parce qu’on a plein de pétrole et de gaz ») ou contre la fin des subventions au solaire made in China payées avec l’emprunt cher acheté aux banques ou les impôts d’Areva et d’EDF (pas ceux de Total, il parait que les traditions datant de la Françafrique prévoient d’autres formes de contributions à la vie politique et citoyenne pour ELF 2.0, alors comme de toute façon les déficits sont abyssaux, une goutte de pétrole dans la mer de dette ne changerait pas la face de rat du monde). Anyway, même ces Norvégiens plus sympas partent sans trop d’illusions et reviennent bredouilles de Copenhague comme les vikings à lunettes (de fusil ou rouges, c’est pas très différent, on a les terroristes qu’on mérite), comme tout le monde, en fait (et ça ne surprend pas trop l’ours blanc qui en a vu d’autres et sait d’ailleurs qu’il n’en verra plus tellement quoi que fassent les bons et les méchants à la TV) mais au moins ils ne s’y ridiculisent pas en partant la fleur au fusil vers les bons hôtels scandinaves et les feux scouts des alter chantant Joan Baez alors que la défaite est certaine à 95%, en n’annonçant pas urbi et orbi qu’ils voyagent écolo en train pour se faire prendre en photo à la sortie de l’avion (c’est rat de le rappeler mais l’apparatchike en chef avait l’air un peu gênée avec les journalistes sur ce coup, plus que lors de la kolossal rigolade TV avec l’ancêtre de http://www.martineaubry.fr), entre autres épluchures ou cancuneries qu’il serait mauvais pour le sens de l’humour de trop rappeler. Heureusement qu’il y a le « viking » qui est sympa à la TV pour remonter le niveau (pas de l’eau, d’une certaine idée de l’écologie, de l’avenir peut être aussi) et faire des films pédagogiques moins dépressivants que les histoires de Ttanic et moins compliqués à comprendre que les vérités qui dérangent et autres indignations plus ou moins justes mais toujours plus que moins bien lestées d’arrières-pensées électorales et bonnes pour le buzz. Heureusement , il y a YAB, sinon l’ours aurait déjà sauté de son iceberg.

Cela empêcherait-il d’autres Breivik de tirer ici ou ailleurs de rappeler que les Norvégiens ne sont pas les seuls héritiers de Voltaire à n’avoir pas particulièrement cultivé leur jardin ? A préférer la chasse à courre à la baleine à la culture responsable, et souvent les produits nocifs et idéologies génétiquement modifiées, ou vice-versa, au débroussaillage des zones à risque d’incendie, ou tout simplement les indignations médiatiques de printemps aux labourages d’automne et laborieuses lectures d’hiver (aux motifs que la bougie émet du carbone et que l’électricité dégage d’autres scrupules plus ou moins durables).

Cela ferait-il une belle jambe aux ours blancs de souligner que seulement une microscopique partie de nos dépenses personnelles et des investissements du fonds « souverain » norvégien (c’est à dire le véhicule financier pour investir les dividendes du pétrole dans autre chose que des montres en diamant ou des bagnoles aux truffes, c’est comme la démocratie, le pire des systèmes à l’exception de tous les autres, dirait Churchill s’il regardait vers la Norvège en se retournant dans sa tombe), suivent un cap responsable ? Peut-être mais à moins que cela accélère des mutations génétiques et transforme leurs pattes en échasses ou en nageoires, leur belle jambe sera mangée par les vers marins aussi vite et bien que le maïs OGM contamine les derniers champs naturels au Mexique sans que personne ne veuille vraiment savoir comment cela peut arriver malgré les promesses de Monsanto et quelques lois encore en vigueur malgré le bon sale boulot des lobbyistes, ni surtout quelles conséquences cela pourrait avoir sur les prochains occupants de cette planète, un peu comme quand on emprunte en « AAA » (ah!ah!ah!) et vogue la galère en 1ère classe, les pauvres du futur n’auront qu’à se débrouiller et s’acheter des branchies à crédit pour aller au boulot quand le tram ne marchera plus parce que les rails auront été volés comme les cables électriques en cuivre et qu’on aura dépensé les crédits d’entretien pour installer des caméras de surveillance made in China mais c’est pas très grave parce que de toute façon on ne forme plus de mécaniciens pour l’entretien parce que les budgets des concours administratifs ont été préemptés pour les fonctionnaires jardiniers du Sénat à la demande des élus écolos … Tout cela n’empêche pas de regarder « Home » qui est libre de droits et traduit en plein de langues alors on peut youtuber ou dailymotionner chez soi sans scrupule ni crainte des zadopistes ou des jeteurs d’épluchures qu’on risque toujours de croiser quand on va voir des films écolos dans une salle ou même en projection extérieure.

Nous sommes tous des démocrates norvégiens (et aussi de vieux crocodiles qui pleurent mais c’est un autre sujet, ou pas …) mais certains le sont plus que d’autres, quand même. Et à force de ne pas cultiver son jardin en croyant qu’il y a encore des travailleurs immigrés pour récolter et écraser les raisins (de la colère), des assujettis dans des colonies pour couper la canne à sucre, des ouvriers payés un bol de riz dans des usines cachées dans les pays émergents pour fabriquer du maïs OGM en boite premier prix ou des truffes en solde, des trouffions en uniforme ou costard-cravate pour arroser, on s’éloigne quand même un peu de la culture raisonnable et les métastases risquent de se développer dans d’autres oasis européennes que la Norvège. On a un assez édifiant exemple en Argentine, pointe de « l’extrême occident » selon la triste et belle formule d’un de nos grands ambassadeurs du 20è siècle en Amérique du Sud (pas celui qui chantait « Don’t Cry for me Argentina », mais il aurait pu, ses bouquins parlent de la même chose) : la « crise » y est devenue un état permanent depuis le second suicide européen, un peu comme la famine en Somalie ou la croisance en Chine. Que le « plus beau pays du monde », un des plus riches, des plus civilisés et prometteurs au sortir de la guerre mondiale ait devancé la Grèce et plus si affinités dans une faillite suivie d’une sorte de lente descente aux enfers n’est pas rassurant pour les autres pays cancéreux. Alors même qu’il n’était vraiement confronté ni à des ennemis en guerre plus ou moins froide, ni aux déchirements et autres dommages colatéraux des décolonisations, ni même au très manifestant ennui confortable des baby-boomers à Walkman rebelle et four à micro-onde révolutionnaire (il faut dire que cette étrange tradition argentine d’apprendre aux adolscents un peu turbulents à nager en les jetant d’avion en mer a eu un impact sur le stock de capacité d’indignation, à tel point que ce pays pourtant assez machiste a été obligé d’envoyer des mères manifester sur la place de Mai et que du coup personne ne prend leur affaire très au sérieux parce que des femmes qui font du raffut dans la rue, c’est soit des profesionnelles et alors c’est le plus vieux reportage du monde, soit Régine qui chante sur son bus à impériale avec des copines rebelles et ça, même les stagiaires journalistes d’été savent que ça ne ferait d’audimat que si elle faisait une crise cardiaque en direct en chantant « les petits papiers » contre le 14 juillet ou autre espèce en voie de disparition pour qu’on puisse vendre une pub aux marchands de défibrilateurs made in China). Certains trucs, c’est comme Aung San Suu Kyi, comme c’est des histoires de filles genre recettes des confitures ou autres soldes chez Bouchara, les démocrates norvégiens, les vrais, n’en parlent pas tant qu’il n’y a pas mort d’homme (by the way, Lea Salonga, on la connait encore moins que la jeune Anglaise qui est morte dans les journaux TV il y a quelques jours et dont on a déjà oublié le nom, mais elle aussi c’est une belle voix, et en plus elle ressemble un peu à Aung San Suu Kyi), alors que l’ours blanc se débrouille pour apprendre à nager.

Arte / Argentine : la crise, un état permanent (annexe : Argentine, compléments )

La démocratie norvégienne, vaste programme.

Renaud Favier – renaudfavier.com – en avant la musique ! – 30 Juillet 2011

             

Ps : et pour les démocrates norvégiens qui sont restés Paris-Plage ou qui voudront se consoler de leurs 5h d’embouteillages après 3 semaines de pluie et qui aiment la nature … humaine sans exclure de s’autoriser un instant de plaisir, voire un éclat de rire quand personne ne regarde, il y a « Le Sauvage » ce soir en projection itinérante gratuite au jardin de Reuilly, un vieux Rappeneau sympa avec Deneuve et Montand primesautant sur une île déserte splendide au large du Vénézuela sur une musique de Michel Legrand qui a comme des résonnances de celle de l’Affaire Thomas Crown (toutes proportions gardées, n’est pas LE chef d’oeuvre qui veut, même si by the way le remake de l’Affaire est plutôt pas trop raté avec une belle scène de catamaran devant New-York en écho à celle du planeur de McQueen) et qui justifie à elle seule de laisser trainer une oreille. 22h15, entrée par l’avenue Daumesnil, apporter son fauteuil pliant ou un plaid waterproof malgré le beau temps enfin arrivé parce que la pelouse n’est pas encore aussi sèche qu’un discours d’Eva Joly. Ce serait dommage de rater un truc gratuit (enfin, payé par nos impôts et la dette de nos descendants mais sur le moment on croit que c’est cadeau et ça fait plaisir comme une prime verte pour une bagnole diesel) et en plus, comme c’est de nuit à l’heure de Soir 3, on ne gâche pas d’électricité chez soi si on a éteint les lumières, le Mac et la fonction « veille » de la TV en sortant, on ne risque pas le mélanome comme à la bibliothèque (gratuite aussi) de Paris-Plage (nb il y a du paraben dans cette crème de grand-mère qui est peut-être encore fabriquée en France par une petite boite familiale, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, alors on peut continuer à en tartiner les coups de soleil des mômes auxquels cela ne fera pas plus de mal que les chips à l’huile de palme mais il faudrait prévenir les proprios que s’ils ne changent pas la formule, au mieux ils finiront par perdre leurs clients les plus démocrates norvégiens, au pire ils auront une campagne de buzz contre eux et une multinationale bien intentionnée aux lobbistes attentifs les rachètera pour une bouchée de pain pour délocaliser et utiliser le nom pour lancer une gamme de parfums et shampoings sans paraben avec du bleu-blanc-rouge sur la boite et sûrement « Paris » écrit quelque part dans l’adresse du service consommateur) et personne ne voit la couleur des lunettes alors en principe il n’y a pas de risque de jets d’épluchures ou de sabotage par des intermittents du spectacle politique (surtout que comme la Maire du coin est PS, normalement les militants doivent avoir piscine ailleurs et que comme c’est les vacances, les indignés salariés ne doivent pas bosser).

Avatar de Inconnu

About renaudfavier

Ils semblent grands car nous sommes à genoux (LaBoétie) Je hais la réalité, mais c'est le seul endroit où se faire servir un bon steak (Woody) De quoi qu'il s'agisse, je suis contre (Groucho) Faire face (Guynemer)
Cet article, publié dans Environnement, Humour, Politique, est tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

1 Response to Nous sommes tous des démocrates norvégiens. Morts ou vifs.

  1. Ping: Le monde 2.012 tel qu’il promet : #AAA #99jours #MarathonMan | Renaud Favier : Café du matin à Paris

Laisser un commentaire