C’est la crise, il faudrait (re)lire Proust

Il faudrait à l’histoire contemporaine plus de talent pour mériter un « Proust ». Et aux chroniqueurs du médiacosme moins de sable dans les oreilles et les claviers pour écrire au moins les e-Rougon. Quel Zola, Balzac ou Hugo pourra inspirer ce e-siècle qui n’a pas 12 ans ?

Attali ferait un excellent « e-Zola de service » mais il a déjà tellement écrit, y compris sur les crises passées, présentes et futures, que sauf à lancer un pavé dans la mare sur un nouveau scandale Dreyfus qui diviserait irrémédiablement la France, en prenant par exemple fait et cause pour l’une ou l’autre des victimes présumées innocentes de l’affaire du Sofitel, il faudrait qu’il trouve mieux que le compte-rendu d’un groupe de réflexion d’apparatchiks pour faire vibrer les libraires.

BHL a le champ libre pour jouer les e-Hugo déclamant dans les déserts des vers indignés sur la fin d’un monde grâce à la sortie de route de Ferry et il peut même essayer d’ajouter des accents rimbaldiens à son carnet de la route du soi entre Sofitels et riads sans être challengé par Régis Debray en préretraite depuis son retour de Bolivie il y a des siècles sans légendes. Mais en devenant le biographe officiel d’un septennat réduit à 5 ans comme Hugo était devenu celui d’un Empire rétréci, il émeut plus d’électeurs que de lecteurs.

Minc pourrait saisir la plume, le clavier ou tout prétexte de circonstance pour jouer les e-Balzac en recyclant dans un journal du soir quelques notes au Prince sur des sujets qui ne relèveraient pas du secret-défense ou d’autres confidences d’Etat. Quand il branche les options « vérité » et « think out of the box », on comprend que lui il n’a pas débrayé les neurones après les résultats des concours et comme il facture à la minute, il ne s’attarde pas trop à de longues descriptions balzaciennes : c’est mieux pour lire sur iPhone dont l’autonomie est un peu gringalette pour arriver à la fin du Colonel Chabert.

Sinon, on a les textes de Guaino, bien sûr, mais fussent-elles lues avec talent à chaque escale de l’avion présidentiel en province, avec émotion aux Invalides sous la pluie ou avec sens du devoir sur le pont du Charles de Gaulle en révision, ses homélies hebdomadaires et autres hommages aux soldats tombés pour la France sont un cran en-dessous d’autres romans d’après Waterloo et « les pêcheurs ne sont plus les mêmes« .

Vivement le retour des écrivains à leurs claviers : l’époque a besoin d’une littérature, tout le reste n’est plus grand chose.

Renaud Favier – renaudfavier.com – en avant la musique ! – 12 août 2011

             

Ps : bon, comme Skakespeare est un peu has been (et que ses histoires finissent toujours mal, c’est encore pire que les reprises de tragédies grecques par les Français du 17è qui ont rendu la monarchie neurasthénique) et puisque la météo a retrouvé ses couleurs de faux hiver, c’est l’occasion ou jamais de (re)lire Proust avec une grande cafetière et 3 paquets de speculos (les madeleines, ç’est trop bourratif) sous un parasol résistant à la pluie. Il parait que ça se passe à une époque qui ressemble à la nôtre, déjà sans Jean-François Revel et où l’on a aussi perdu beaucoup de temps, sauf que les personnages n’ont pas d’iPhone et qu’il n’y a pas que des politiciens salariés en congés payés et autres conseillers en vacances de princes fonctionnaires, et vice-versa, qui noircissent des pages.

C’est fini pour aujourd’hui.

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1 Response to C’est la crise, il faudrait (re)lire Proust

  1. Avatar de Sandra Sandra dit :

    Was ttolaly stuck until I read this, now back up and running.

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