Je suis allé acheter un bouquin vers la Bastille hier en fin d’après-midi. A pied, parce qu’avec le concert, le quartier était incirculable. Comme Dr House finit tard, j’ai pris une bière et levé un peu le … pied, le nez et les oreilles pour sentir l’air … du temps. De 1981.
A la librairie, le tome 2 annoncé pour le 7 … avril n’est toujours pas arrivé. Et même pas possible de le commander parce qu’en fait c’est l’éditeur qui est en retard (ou l’auteure, ou l’imprimeur ou le fabricant de papier ou … qui sait ?). Peu importe. La jolie libraire de la délicieuse librairi(r)e (et vice-versa) est tellement adorable que même pas ça m’énerve alors que quand même c’est pour ça que j’ai fait 2 bornes à pied en semi-courant sous le cagnard parce que la Terrasse de Gutenberg ferme en principe autour de 19h !
A l’autre jolie librairie qui ferme à 20 heures et où les jolies libraires sont aussi adorables, ils ont le tome … 1 que je ne comptais pas lire par esprit de contradiction mais faute de grives sur l’Arbre à Lettres, on doit faire avec l’ortolan avant d’aller écouter-voir ailleurs si les merles honorent convenablement Tonton. Au bistrot qui est juste à coté de la librairie rue du faubourg Saint Antoine, parce que la vita e bella, pas de problème de livraison en retard. On entend un genre de café littéro-politique à l’étage d’une oreille, les premiers sons de la fête à la Bastille de l’autre. « Le Parisien » est délicieux au comptoir, bien mûr à cette heure un peu avancée. Enrichi des regards de dizaines de lecteurs passés avant moi. Comme un bouquin de bibliothèque qui sent bon le papier usé. C’est pas meilleur, mais différent de l’odeur de l’encre trop neuve, plus harmonieux. La bière, elle, est fraîche. C’est bien.
La place est tout en harmonie d’un soir. On croirait presque en les forces de l’esprit de 1981 en voyant l’affiche, la nomenklatura au soleil couchant sur notre terrasse et la lumière dorée sur les miroirs bien opaques de l’opéra (d’un peu plus de quatre sous mais François Mitterrand n’était pas homme à compter et les abonnés bénéficient sinon du RSA ou du RMI, encore que …, de tarifs subventionnés en général).

L'important, c'est la rose, mais il faut aussi avoir du coeur entre les oreilles sous le casque derrière les lunettes
Le concert 2.0 a commencé avec un rappeur. Qui en demandant « Et ça va dans la salle ? » a déclenché un micro tsunami des trois ou quatre drapeaux des jeunes socialistes militants et une émotion dans le public encore clairsemé et occupé à Twitter (moi, j’ai tenté un Foursquare mais le Mayorship de la place de la Bastille, c’est pas facile). Ensuite, un DJ en cravate et lunettes qui ressemble à un speaker du journal de Canal+ a mis son MacBook en route et les paroles ont un peu perdu en poésie militante.

Le panneau vers le TGV pour le Luberon est mal entretenu, l'époque est aux voitures étrang(èr)es et aux avions privés
En attendant la danse des éléphants (encore en train de dîner, probablement pas ensemble), des filles des Inrocks habillées en orange Modem font la promo du numéro spécial « mai 81 » et leur concurrentes en rose distribuent des tracts pour le Solidays de fin juin. Les Djeuns se trémoussent mollement devant les affiches de la Fnac sur le son sponsorisé par Bergé et Pigasse (ça entre dans les comptes de campagne de quelqu’un cette sauterie #PS #2012 ? Quelqu’un sait si les artistes militants chantent bénévolement ce soir ?).
J’ai dû me tromper de place, ou d’époque. C’est vendredi 13, Place d’Aligre, l’hommage à Tonton. Près de la « Maison des Ensembles » où des bobos dînent ce soir pendant que ça joue au foot sur la place, devant le marché où ça tractera bientôt pour les primaires.
En attendant (entendant ?), le son du 10 mai s’éloigne, assourdi comme un souvenir d’un temps que les moins de 30 ans, les moins de 50, les moins de 70 … que seuls des plus de 60 revendiquent en héritage, en tout cas
Le temps des premiers (primaires ?) copains qu’on salue avec … art (lard ?). Façon Sun Tzu, pas Brassens, question d’époque.
Entre la Bastille et la Place d’Aligre, l’Institut de la Vision : il faudrait y programmer un passage obligatoire pour tous les candidats à l’héritage. D’autant que le bâtiment est magnifique, en écho aux miroirs (aux alouettes ? aux vanités ?) de l’opéra. Ce qui est un joli paradoxe, mais c’est encore plus beau quand c’est inutile, comme pour ce type qui essaye de voler presque comme un oiseau et qui vient de réussir sa traversée du Grand Canyon. http://www.tdg.ch/yves-jetman-rossy-reussit-traversee-grand-canyon-2011-05-10 .
Mais je m’égare, cela n’a rien à voir avec le concert du 10 mai. Quoique, à deux pas de la Bastille, on trouve aussi la délicieuse « Maison du Cerf-Volant » (honni soit qui mal y pense qu’il n’y a pas que les cerfs qui volent et que les plus cornus ne sont pas ceux que l’on pense -ou panse- on est … au-dessus de ça).
Mais le plus adapté aux petites musiques de nuits plus belles que certains jours en mai 81 et mai 2011, c’est incontestablement l’excellente « Maison de l’Oreiller », 100 mètres plus loin, à peine.
Sinon, si on est assez courageux pour marcher jusqu’à la mairie du 12ème, on trouve une sorte de « candle in the night » très réussie mais sans le son, qui rappelle le bon temps, pas celui des fleurs, celui où le pouvoir d’achat d’électricité n’était pas à crédit et où la lumière nucléaire était politiquement correcte.
Les stakhanovistes pourront pousser à l’Est jusqu’à la porte de Charenton où l’Espace du même nom, après avoir ressuscité les banquets républicains, célèbre aujourd’hui … un hier, voire un avant-hier que ceux de moins … d’au moins 80 ans ne peuvent connaître. Mais au pays de Voltaire, de François Mitterrand et des vieux ors du Luxembourg, il faut que des fonctionnaires cultivent le jardin du Sénat.
A l’Est, rien de nouveau ?
Renaud Favier – 11 Mai 2011 – http://www.renaudfavier.com
Le bonus : un peu d’optimisme lyrique entre le son du passé (à gauche, la fête de la Bastille) et le son dépassé (à droite, l’opéra Bastille) : il y a des nuages gris foncé mais il ne pleuvra ni même ne tonnera ; on économise l’électricité (ou alors elle a été coupée par les créanciers ou par les anti-nucléaires) mais demain sera un autre jour et le génie est toujours là-haut. Et les lampadaires (lampes à huile, dans le quartier) ressemblent à des albatros, non ?
C’est fini pour aujourd’hui, et pourtant, il y en aurait à dire, pas seulement sur la France du 10 mai (1981 ou 2011, peu importe, c’est du presque pareil au quasi-même, juste un peu moins bien et nettement plus cher), d’ailleurs, parce qu’il y avait quand même mieux que « Saga Africa » pour penser à mai 1981. Noah a gagné en 1983 mais Bob, DCD le 11 mai 1981, rebelle aussi mais dans un autre registre, a plus de fans mélomanes sur Facebook. Et Siegfried est mort depuis longtemps, alors tant qu’à mettre de la musique en conserve sur écran, autant en choisir de la vraiment bonne mais pas trop vieille dans la tête pour chanter « Salut, l’artiste« .

















