La veuve de Carpentras cultive son jardinet sans Roundup et sucre ses fraises depuis que Mongénéral s’est exilé en Irlande. Elle en a vu d’autres et ne s’indigne que discrètement pour éviter d’attirer les contrôles fiscaux et autres ennuis domestiques. Jusqu’ici, tout va bien.
La veuve n’a pas le câble et ne regarde que les chaines de l’ORTF qui ignorent qui est Madame Bettencourt parce que L’Oréal est quand même un très gros annonceur qui le vaut bien mais si elle avait vu « Les Fauves » par hasard sur ORTF2 l’autre soir (tard), elle aurait peut-être renversé un peu de sa verveine dominicale.
Si elle avait plutôt regardé les commentateurs professionnels prendre acte du résultat « prévisible mais surprenant », ou vice-versa selon les chaines et les experts, des élections sénatoriales, elle se serait demandée si le jeune monsieur Monnerville était toujours élu radical de gauche en Guyane après avoir transmis sa charge de président inamovible du Sénat au jeune monsieur Poher ou si quelque chose avait pu changer dans les colonies ou du côté du palais du Luxembourg où l’on peut discrètement faire droit à un excellent régime spécial de retraite en cas de contrariété électorale ou autre accident de la vie.
Si elle avait entendu les piliers de comptoirs discuter des « affaires du moment » en passant devant le bistrot sur le chemin de la boulangerie, elle se serait demandée pourquoi dépenser du kérosène pour faire voyager des valises de billets aller-retour à Karachi ou ailleurs en Afrique et aurait regretté que tous ces divorces amènent tout le monde à déballer sur la place publique du linge sale qui était plus blanc lorsqu’on le lavait en famille plutôt que de « balancer » à la TV comme le premier ancien ministre en -confortable- emploi fictif venu.
Si elle tombait sur un bouquin de Péan ou assimilé à la maison de la presse, elle jetterait peut-être un oeil à la 4ème de couverture et se demanderait de quoi il en retourne et si ces journalistes un peu borderline qui écrivent des bouquins sur les enveloppes qui vont et viennent un peu partout sont plus crédibles que leurs congénères encore en activité salariée, que les zexperts des instituts de sondage, que les stagiaires de la météo ou que n’importe lequel des hommes ou femme sandwich qui publie quelque chose à la rentrée pour satisfaire son ego et faire de l’audimat avant les prochaines élections à ceci ou cela sans lesquelles la République ne serait pas bananière ; fromagère la République française.
Si elle regardait la « Une » du journal régional, elle s’extasierait devant l’inauguration d’un rond-point qui permettra de faire ralentir les chauffards sans consommer d’électricité nucléaire ou de solaire made in China comme un vilain radar ou dénaturer le paysage de bord de route comme un vulgaire panneau électoral pédagogique et serait soulagée de lire que malgré la grève de ceux-ci ou ceux-là, les mômes seront accueillis parce que c’est la loi et que ce serait quand même pathétique que ceux qui ont encore un boulot fassent grève ou soit obligés de poser un jour pour garder leurs gosses pour cause de lutte fermeture des classes ou d’économies de bouts de chandelles sur la formation des hussards alors qu’on déficite à tort et à travers sans rien lire de la Cour des Comptes ni rien écouter de l’excellent Arthuis, plus ou moins candidat de témoignage à présidence du Sénat mais à peine plus entendu que Bayrou ou autres réservistes de la République …
Si elle lisait les pages « économie », elle s’étonnerait de la baisse des cours du pétrole, s’interrogerait sur le dessous des cartes de la perspective de fermeture de la raffinerie de l’étang de Berre et se demanderait s’il est recommandable aujourd’hui d’acheter des « bancaires » après leur remontées de 20% en une seule journée parce que personne n’a rien annoncé tandis qu’il était recommandé d’en rester encore plus à l’écart que de la Grèce avant-hier parce qu’elles étaient tombées d’encore plus la semaine précédente et que la perspective de recapitalisation ne disait rien qui vaille aux zexperts … Pour l’or, elle se dirait que c’est toujours prudent d’en avoir un peu « au cas où le déficit budgétaire serait moins contrôlé qu’annoncé et que comme le cours est redescendu un chouïa, c’est comme pour le mazout et les promesses électorales, mieux vaut ne pas attendre l’hiver et la fin des festivals pour en profiter.
En croisant la manif, elle sourirait en voyant les jeunes du coin s’indigner dans la rue, ça lui rappellerait sa jeunesse étudiante.
En tout cas, elle se dirait que ce soir, en sucrant les confitures de fraises, elle allumera la TV pour écouter le deuxième épisode de « Questions pour des djeuns champions de #PS », pour voir si la candidate du Poitou remet son collier de perles, si le rebelle du Jura mélenchone encore avec verve contre le monde tel qu’il est et si le jeune premier un peu colérique qui ressemble au Président va parler anglais comme dans le reportage de son voyage de classe. Et puis pour voir si ce gentil monsieur du Sud-Ouest qui a une tête de sénateur radical de gauche est encore là et si quelqu’un parle de la candidature de l’amateur de pâtes aux truffes qui est responsable mais pas coupable d’on ne sait pas très bien quoi (tentative de viol, adultère un peu tarifé ou juste bisou un peu appuyé ?), on ne sait plus trop où (Washington, New-York, Paris, on s’y perd) et on ne sait plus trop si ça va l’empêcher ou pas de se présenter à la présidentielle de 2012.
La veuve en a vu d’autres mais les fraises ont quand même une drôle de tête cette année.
Ach, le veuvage, gross Malheur.
Renaud Favier – renaudfavier.com – musique ! – 28 septembre 2011
Ps : sur le bio et autres OGM dont on parlait dans les médias avant l’été, la veuve de Carpentras ne sait plus trop que penser depuis que les campagnes électorales des écolos sont finies et que les manifestants sont (re)passés à l’anti-nucléarisme et aux histoires de gaz de schiste parce que les faucheurs de champs électoraux sont députés européens et ont d’autres lobbies fouetter et autre chose à faire que de compter les abeilles, que le jeune présentateur TV qui était candidat à la présidentielle pour sauver les ours blancs est parti à la retraite et que la juge rouge-verte qui veut faire sénatrice à la prochaine élection comme tous les politiciens professsionnels s’en fiche un peu des trucs pour bobios qui n’intéressent pas sa secrétaire et des lubies de gentils membres du club des éleveurs de chabichou du Larzac parce que c’est pas dans les éléments de langage écrits par l’ancien porte-parole de Greenpeace devenu député européen et qui lui écrit ses discours quand il ne les lit pas lui-même ça ne fait plus tellement d’audimat, c’est une cause perdue contre les lobbies et et que de toute façon elle n’a plus trop l’âge de faire de nouvelles allergies ou des cancers comme tout le monde.
C’est fini pour aujourd’hui (parce que si on commence à parler de l’affaire Dreyfus juste parce que sa famille était de Carpentras, on n’a pas fini d’ouvrir les placards à cadavres).















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