Wine Pride 2011 : In vin(exp)o veritas

Servie entre l’Euro Gay Pride de Rome, la French PME Pride de la Porte Maillot et la Global Sky Pride du Bourget toutes un peu crispées en ces temps de crises, la Wine Pride Vinexpo à Bordeaux est une petite parenthèse de plaisir … and Business, of course.

Ce qui est pratique avec la vigne, notamment en Bordelais où il y a un genre d’humidité parfaite dans l’air, comme en Californie, c’est qu’elle n’a pas trop besoin d’eau avec ses racines bien profondes. Alors en Bordelais, on n’irrigue pas. De même qu’on n’ajoute pas encore de copeaux de bois ou autres additifs multinationaux, en principe, ni toujours beaucoup de marketing sauf contraint et forcé par des nouveaux propriétaires retraités de la pub et/ou étrangers. Pour beaucoup (trop) de vignerons qui n’ont que peu de chose en commun avec les propriétaires de grands crus, la vie n’est pas dans un avion entre Bordeaux et Hong-Kong : on est aimé ou pas, on vend assez et assez cher pour couvrir les frais et s’offrir un stand à Vinexpo ou pas, on exporte ou pas vers les marchés en croissance forte, on s’en sort plus ou moins bien selon qu’on est puissant ou misérable, que la récolte est abondante ou pas, que le millésime est prestigieux ou pas. C’est la vie, comme partout et toujours, ça marche comme ça depuis 1855 et même bien avant alors c’est pas à cause d’une petite guerre économique mondiale ou d’un marché incompréhensiblement (sic) défavorable alors que toutes les autres commodities explosent qu’on va changer d’épaule le fusil de chasse aux espèces en voie de disparition, migratrices ou pas.

C’est le 21ème siècle mais la règle du jeu n’a guère changé depuis que les Romains ont introduit le vin en Gaule : Vae Victis. En français : « business is business et il vaut mieux être dans la liste des exposants sur l’appli iPhone de Vinexpo ».

Une nouvelle règle s’y est récemment ajoutée : Asie (en) First ! En français : like it or not, that’s the way it is and by the way la Chine aura planté l’équivalent en surface du vignoble bordelais dans quelques années et peut être que Vinexpo Asia aura lieu tous les ans (ce qui, du point de vue du visuel, ne sera pas un mal parce que l’affiche 2010 à Hong-Kong est quand même plus réussie que la queue de dragon de 2011 en France, même s’il en faut pour tous les goûts).

Anyway, ce qui est bien avec le Bordeaux, au-delà du fait qu’en général le vin y est fait par des professionnels expérimentés avec du raisin bien élevé, ou vice-versa mais peu importe, c’est qu’on n’est pas obligé de se poser trop de questions inutiles concernant les cépages, terroirs et autres millésimes : tout est bon, comme dans le cochon. Et puis que les très grands crus classés par les as du marketing du 19è siècle sont une sorte de locomotive pour tout l’écosystème du coin alors comme les grands châteaux vont, tout va, à peu près, surtout depuis que les as du marketing du 20ème siècle ont découvert le French Paradox.

Normalement, si la bouteille a la forme réglementaire et s'il y a écrit "Bordeaux" dessus, on peut acheter en confiance

Ce qui est formidable avec les vrais vignerons, c’est qu’ils ont des valeurs, de l’éducation et le respect des traditions, alors on peut croire en eux (d’où l’expression « grand cru » ? Et son dérivé « Quel Cru ! » ?).

Quel cru ?

Ce qui est décevant, c’est qu’on rame un peu alors qu’en principe on avait, comme dans d’autres domaines, tout pour être champions du monde. Les fonds souverains, ou pas, de pays plus assoiffés ne font pas (encore ?) de razzia sur les terroirs comme dans certains pays en développement mais certaines perles de la couronne viti-vinicole partent doucement à l’étranger. Les appellations et origines restent contrôlées mais le syndrome du cabanon (relire l’histoire de cette coopérative qui cultivait et mettait en boites des tomates provençales devenue après rachat distributrice sous son ancien nom de purée de tomates asiatiques) menace comme la bactérie E-coli. Cliquer ici ou sur l’image pour lire l’article du 3 juin  de … La Stampa sur les achats de châteaux du bordelais, la presse italienne semblant plus préoccupée que nous-mêmes du devenir des concurrents « français » du vignoble italien. Les chantres du patriotisme économique national à géométrie variable (à moins que ce soit l’intelligence économique ?) seraient-ils plus sensibles aux sirènes médiatiques des chevaliers du ciel du Bourget qu’au quotidien des damnés de la terre (sic) du Bordelais ?

Ce qui est dommage, c’est que les consommateurs du 21ème siècle ne respectent rien.

 Ce qui est regrettable, c’est que les as du marketing du 21è siècle ne respectent rien.

 Ce qui est peut-être évitable, c’est que l’écosystème du 21è siècle ne respecte rien.

Mais le pire n’est pas certain (le meilleur non plus, bien sûr) il n’y a pas nécessairement à aller chercher midi à quatorze heure au bout du monde.

En bref, autour de Bordeaux, c’est comme ailleurs en France, vaste programme. Les Français, vignerons ou pas, y espèrent volontiers une nouvelle société en se rasant le matin ou s’hypnotisent en regardant les cours fluctuer pendant que les Chinois labourent, plantent, taillent, améliorent, achètent et récolteront bientôt (avant de nous revendre plus cher la corde ….). Comme c’est un coin historiquement un peu anglais, les Bordelais arrivent mieux que d’autres Gaulois de l’intérieur à communiquer avec à peu près n’importe quel acheteur dans le monde et avec les « zinzins » (investisseurs institutionnels, honni soit qui mal y pense) d’un peu partout, qui achètent en bouteille pour les moins fortunés, par châteaux entiers pour les maîtres du monde du moment (et de pour un moment, probablement).  Jusqu’ici, tout va bien, les vignerons respirent et peuvent payer les échéances de leurs crédits avec la hausse des cours, c’est comme dans les banlieues où les djeuns n’ont pas de boulot mais encore quelques allocations et autres moyens de subsistance plus ou moins officiels. Mais les Chinois plantent de la vigne à (longue) marche forcée. Quand la Chine et les zinzins s’éveilleront … (Napoléon, auquel la formule sur la Chine est attribuée, buvait pour sa part plutôt du Bourgogne, qu’il coupait d’eau : ça l’a perdu, in vino veritas ! se moquent les Bordelais), certains boiront la lie.

Renaud Favier – 19 juin 2011 – http://www.renaudfavier.comNet-Land-Art

Le bonus ( #OMGC ) : J’adore le Retsina. Je fais partie de ceux qui ont la chance de pouvoir s’offrir le plaisir pas si minuscule d’une bouffée d’air grec de temps en temps. Le Retsina est délicieux chez lui à Plaka en écoutant Athènes bruisser, si possible depuis une terrasse d’où l’on aperçoit un coin d’Acropole plutôt que des scènes de guerre civile. Merveilleux ailleurs sur le continent, dans ces villages dont la Grèce a le secret et où peu importe que la table soit coincée entre un groupe de touristes sirtakisant maladroitement et une boutique de souvenirs made in China pour l’essentiel ; peu importe que la moussaka soit lourdingue et bourrée de boeuf importé nourri aux farines an(im)ales (il parait qu’elles sont de nouveau autorisées ? la sécheresse a bon dos …) et que la feta de la salade soit aussi peu grecque que le cuisinier ; peu importe que ce ne soit guère du vin dans le flacon, du moment qu’on a l’ivresse et qu’en marchant un peu ou en fermant les yeux on peut revoir les gens qui marchaient sur ces pierres dans cette rue, qui priaient dans ce temple ou venaient à ce théâtre il y a 2000 ans. Ce qui est formidable, avec le Retsina, c’est que même quand on l’achète à Monop’ pour un apéro devant Telefoot ou qu’on en trouve au bistrot pour boire avec Le Parisien ou Libé (qui ont juste la bonne taille pour les comptoirs, la vie est bien faite, les journaux plus ennuyeux ne tiennent pas sur le zinc) ça marche, il suffit de fermer les yeux et on voit la mer et les villages grecs … In vino veritas … 😉

C’est fini pour aujourd’hui, parce que le Retsina, c’est sympa (s’ils avaient eu le sens du marketing et moins de subventions européennes, ces grecs, ils auraient fait fortune avec leur vin et leurs terroirs plutôt que de devoir vendre leurs ports à l’encan …), mais il faut que j’aille à la chasse d’une bouteille de Calon-Ségur. On dira ce qu’on voudra, mais outre l’étiquette juste sublime et le slogan d’un noble as du marketing d’avant 1855 (« Mon coeur est à Calon », disait joliment un marquis de Ségur du 18ème siècle qui possédait Lafite et Latour), des gens qui avaient réussi un vin magnifique en 1991 (c’était un peu moins difficile à St Estèphe qui était passé entre certaines des gouttes les plus pénibles, mais quand même …) sont dignes d’un amour aussi raisonnablement fidèle qu’économiquement possible (les as du marketing bordelais du 21è siècle ont un peu de mal à rivaliser avec le nouveau monde, voire avec certains anciens, mais ils sont très au point pour la tarification « bobo » et plus si affinités).

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2 Responses to Wine Pride 2011 : In vin(exp)o veritas

  1. Avatar de renaudfavier renaudfavier dit :

    Thanks for your friendly comments.
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    And by the way, please roar for Tigers (and other endangered people of Earth) for a living planet with WWF : http://wwf.ca/conservation/species/tigers/roar.cfm
    Kind Regards
    RF

  2. Ping: TGV, merci, mais des autoroutes de l’export aussi, SVP | Renaud Favier : Café du matin à Paris

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